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ainsi toute fierté. Moi qui pensais avoir acquis une gloire brillante et durable, comme ayant triomphé par ma vertu d’un homme illustre, auteur de grandes actions, voilà que tu viens me prouver mon erreur en te couvrant d’opprobre et en montrant que tu étais facile à vaincre, puisque tu ne supportes pas en homme la mauvaise fortune. »

Si cette pièce a été composée, comme le suppose M. Berger de Xivrey, au printemps de l’an 1403, le prince contre qui elle fut écrite n’existait déjà plus alors depuis quelques jours, car Bajazet était mort en captivité dès le 9 mars de cette même année. Mais Manuel ne pouvait encore connaître cet événement. Il l’apprit sans doute seulement à son arrivée à Constantinople, presque en même temps que la nouvelle du retour de Tamerlan à Samarcande.

Nous ne suivrons plus Manuel Paléologue après son retour dans sa capitale. Le désastre des Turks à Angora avait redonné un demi-siècle d’existence à l’empire byzantin. Manuel vécut vingt-deux ans encore, régnant au milieu des plus terribles difficultés. Dans les dernières années de son existence, il s’était retiré au fameux monastère de Périblepte à Constantinople, laissant presque tout le poids du gouvernement à son fils aîné Jean qui lui succéda et qui s’était marié le 19 janvier 1420 à Sophie, fille du marquis de Montferrat. Le vieil empereur expira dans cette solitaire retraite le 21 juillet 1425, âgé de soixante-dix-sept ans et quelques jours, regretté de tous.

Ne recevant pas de France les subsides si solennellement promis, Manuel avait envoyé en 1408 à Paris un de ses plus aimés familiers et, comme nous l’avons vu, un de ses correspondans favoris : Manuel Chrysoloras. En souvenir de ses visites à ses chers religieux de Saint-Denys, il leur avait envoyé par ce fidèle messager pour leur insigne basilique un admirable manuscrit contenant les œuvres de saint Denys l’Aréopagite, écrites sur vélin, merveille de la calligraphie et de la peinture byzantines de cette époque. Ce volume, à la superbe couverture d’ivoire sculpté, est aujourd’hui encore un des joyaux du musée du Louvre ; il contient entre autres une précieuse miniature avec les portraits de Manuel Paléologue, de l’impératrice Hélène, sa femme, et de ses trois jeunes fils, Jean, Théodore et Andronic. Un autre manuscrit, qui contient l’oraison funèbre du despote Théodore par son impérial frère, manuscrit également conservé