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assigner encore l’énorme pension annuelle de quatorze mille écus d’or qui lui avait été régulièrement servie sur le trésor royal depuis son arrivée en France, et cela jusqu’au retour complet de sa bonne fortune. En même temps, il lui fournit pour l’accompagner une escorte de deux cents hommes d’armes, qui devait le suivre jusqu’à Constantinople sous le haut commandement du seigneur de Châteaumorand, ce magnifique guerrier que jadis Boucicaut avait laissé dans cette ville avec une troupe pour la défendre et qui, depuis peu, était de retour à Paris.

Le voyage de Manuel, de Paris à Constantinople, fut extrêmement rapide, avec toute la célérité imaginable. Nous n’en connaissons malheureusement que deux ou trois des étapes principales. Sur toute la traversée de la France nous ne savons rien absolument. Certainement l’empereur, par les soins de son hôte royal si parfait, fut reçu à toutes ses stations avec les mêmes honneurs et les mêmes attentions extraordinaires. Il revint probablement par la même route jusqu’au de la des Alpes. Là, il prit le chemin de Gênes[1], où l’appelait un double motif. En effet, aux relations incessantes et si importantes des Génois se joignait la présence de son cher ami Boucicaut, le fameux connétable, depuis le mois de juin 1401 gouverneur français de cette superbe cité qui s’était donnée à la France quatre ans auparavant. Manuel y arriva déjà le 22 janvier de l’an 1403 (nouveau style). Le chroniqueur Stella, dans ses Annales genuenses, raconte en détail le splendide accueil que lit au prince voyageur le brillant connétable. Boucicaut, avec un immense cortège de nobles génois et français, s’était porté à la rencontre de l’empereur. Manuel fit son entrée dans la ville de marbre, à cheval, sous un dais de brocart qui l’attendait à la porte Saint-Thomas, porté par des citoyens de Gênes, tous uniformément vêtus d’écarlate. Il fut conduit dans cet appareil à la maison des Frères Prêcheurs où on avait disposé son logement.

Le fastueux Boucicaut ne s’en tint pas là. Il était bien vraiment le roi de Gênes, et fit à l’empereur une réception unique. Le peuple génois tout entier tint de même à honneur de traiter son hôte avec la plus aimable courtoisie. On le combla

  1. Le chroniqueur byzantin Dukas s’est trompé en faisant revenir Manuel à Venise par la route d’Allemagne.