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ceux de Luxembourg-Thionville et de Trois-Vierges-Saint-Vith.

La journée du lendemain se passa dans la plus grande agitation. Les légations et consulats étaient assiégés de personnes qui venaient demander des passeports et des papiers d’identité, de miliciens rappelés sous les drapeaux, de volontaires désireux de s’enrôler. Les chefs d’industrie se résignaient à éteindre plusieurs hauts fourneaux, et des trains spéciaux étaient organisés pour rapatrier les ouvriers italiens.

On sait que ce même jour, samedi 1er août, à sept heures et demie du soir, le comte de Pourtalès, ambassadeur d’Allemagne à Pétersbourg, remettait à M. Sazonoff la déclaration par laquelle son souverain, au nom de l’Empire allemand, se considérait « comme en état de guerre avec la Russie. » Relatons ici un incident resté peu connu, bien qu’il ait été révélé à la Chambre des députés luxembourgeoise[1], et dont on saisira l’importance en tant qu’il prouve la préméditation, de la part de l’Allemagne, de violer la neutralité du grand-duché. Dans le courant de l’après-midi du 1er août, — c’était donc avant toute déclaration de guerre, — quelques soldats allemands, commandés par deux officiers, avaient passé la frontière, occupé la gare de Trois-Vierges et arraché les rails en territoire luxembourgeois, sur une longueur de 150.mètres. Le commandant du poste de gendarmerie et le bourgmestre de la localité étant accourus, on téléphona à Luxembourg. Le ministre d’Allemagne télégraphia à Berlin et bientôt arriva cette réponse : le fait signalé ne pouvait être que le résultat d’instructions mal comprises. N’est-il pas manifeste que l’erreur consistait en ce que l’ordre d’occuper une gare proche de la frontière avait été exécuté quelques heures trop tôt ?

Ce fut dans la nuit du 1er au 2 août, entre une et deux heures du matin, que les premiers corps de troupes franchirent la Moselle à Wasserbillig. A cinq heures du matin, un automobile, dans lequel se trouvaient des officiers coiffés du casque à pointe, était aperçu aux portes de Luxembourg, dans le faubourg de Clausen. A six heures, M. Henrion, conseiller du gouvernement, sonnait à la porte de la Légation du Roi, et, tout d’une haleine, m’apprenait que la neutralité du Luxembourg avait été violée, que la ville ne tarderait sans doute pas à être

  1. Séance du 3 août 1914.