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Et cependant le pauvre Manuel, de retour en France, vers le mois de janvier ou de février 1401, semble bien, d’après sa correspondance, avoir conservé encore quelque temps les espérances qu’avaient fait naître en lui les fallacieuses promesses du roi Henri. « Nous savons bien, écrivait-il de Paris à l’archevêque Euthymios, celui-là même qui fut plus tard patriarche de Constantinople en 1410 sous le nom d’Euthymios ou Euthyme II ; nous savons bien que pour sauver il faut des actions et non des paroles… Mais heureusement à présent les espérances que tu avais conçues se réalisent et nos affaires prennent de toutes parts un cours prospère. Les chefs de l’expédition sont choisis ; on n’attend plus que l’époque fixée pour notre retour près de vous. Il fallait d’abord déterminer le jour et le lieu où les troupes des Bretons (les Anglais) et les autres alliés se réuniraient… Nous n’attendrons pas beaucoup pour revenir nous-même à la suite de cette bonne nouvelle, et avec l’aide de la Très Sainte Théotokos, tu nous verras rentrer à la tête d’une armée réunie et l’on peut dire choisie de toutes parts ! »

Revenons au nouveau séjour de Manuel à Paris. Il y était de retour au mois de février 1400, ou plutôt 1401, nouveau style, puisque, d’après la manière actuelle de dater, ce mois se trouve compris dans cette année-là. Peu de jours après, Charles VI, une fois encore revenu à la santé, sachant le goût passionné de son hôte pour toutes les cérémonies de la religion, voulut lui donner un spectacle qui le charmerait et l’invita à venir le 25 février à la basilique royale de Saint-Denys, pour y assister aux offices solennels célébrés dans cette plus illustre abbaye de France pour la fête de la dédicace dont ce jour était l’octave. Charles VI, encore souffrant, n’avait pu à son vif regret assister à ce premier jour de fête. Il s’en dédommageait par sa pieuse visite le jour de l’octave. Il voulait aussi rendre grâces à Dieu pour son retour à la santé. Le Religieux de Saint-Denys raconte que le roi voulait partir d’avance pour se trouver à la basilique à l’arrivée de l’empereur. Mais l’empereur, répondant par une semblable attention à la politesse du roi, partit de même avant lui pour Saint-Denys dans l’intention de l’y recevoir. Charles, de son côté, ne se laissant pas gagner de vitesse, rejoignit l’empereur sur la route. Les deux princes cheminèrent ensuite de conserve jusqu’à l’insigne basilique dont le roi fit lui-même les honneurs à son hôte.