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frénésie. » Cet état dura jusqu’à la première semaine de janvier, sauf une accalmie à Noël et à l’octave de cette fête qui permit au pauvre souverain de célébrer dévotement les grandes fonctions de la Nativité en l’église Saint-Paul au faubourg Saint-Antoine. Très certainement Manuel, voyant ce piteux état de santé se prolonger, comprenant que, vu la folie du pauvre roi, ses conseillers ne pouvaient lui donner que de faibles espérances, s’était décidé d’être de retour lorsque le jeune souverain regagnerait une fois de plus la santé. Manuel n’avait du reste appris qu’à Paris le changement violent de gouvernement qui venait d’avoir lieu en Angleterre.

Nous ignorons où notre voyageur prit terre, très probablement à Douvres. Une de ses premières étapes sur le sol anglais fut Canterbury dont la splendide cathédrale reçut sa visite. Les révérends Pères Augustins lui firent la plus belle réception, prélude de celle dont allait l’honorer le nouveau souverain d’Angleterre, Henri IV de Lancastre. L’heure était bien mal choisie toutefois pour un pareil voyage et pour venir demander un secours si important à la couronne britannique. Il y avait bien peu de temps, en effet, que, par un odieux attentat, Henri avait détrôné son suzerain et son parent le jeune roi Richard II, gendre du roi de France. Il avait été proclamé le 30 septembre 1399 après la déposition de Richard et venait de mettre le comble à ses crimes en faisant assassiner le malheureux prince captif à Pontefract en cette présente année 1400. Sa couronne ensanglantée était encore bien mal affermie sur sa tête. Il régnait dans les esprits une grande fermentation. Les séditions éclataient de toutes parts. Les exécutions de vassaux révoltés se succédaient sans répit. — Le nouveau roi n’en lit pas moins à son hôte la plus belle réception, digne suite de celle qu’il avait eue à Paris. Peut-être même tant de circonstances difficiles furent-elles une raison majeure pour que Henri de Lancastre mît plus de recherche à éblouir Manuel par la magnificence même de son accueil. Nous avons malheureusement beaucoup moins de détails sur le séjour de Londres que sur celui de Paris.

L’historien anglais du XVIe siècle, Thomas Walsingham, raconte que le roi Henri alla au-devant du cortège impérial jusqu’à Blackheath. C’était le jour de la fête de Saint-Thomas apôtre, le 2 décembre. Il fit à l’empereur, comme il convenait, la