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résumé parfait des réformes pénitentiaires accomplies avant lui-même : ces quelques pages demeurent comme un document de premier ordre.

En une autre séance, appelé à faire l’éloge d’un confrère défunt, M. Colmet de Santerre, professeur à l’École de Droit, il prononça cette parole : « Le caractère particulier de sa vie fut sa remarquable, je dirais volontiers son enviable unité. » Peut-être faisait-il là un retour, nuancé de quelque regret personnel, sur la variété des efforts auxquels le condamnait la politique ; n’en retenons que la vivacité de la préférence qu’il donna toujours à l’une des parties de son labeur, à celle qu’il estimait la meilleure, la plus pressante et, — si on voulait bien s’y prêter, — la plus féconde en résultats heureux pour la société. A coup sûr, il n’eut à se reprocher aucune dispersion inutile ; et, en fait de fidélité, de rectitude et de persévérance, il n’eut rien à envier à personne. Il savait trop bien ramener à une unité vivante tout ce qu’il faisait ou se proposait de faire en faveur de la justice, en faveur du relèvement des coupables et au profit de la moralité. A quatre-vingt-trois ans, il parlait et agissait encore de manière que l’on comptât avec lui, se déchargeant à peine de quelques travaux accessoires où il n’y avait qu’à se conformer à ses indications et à exécuter ses plans. C’est dans la dernière année de sa vie seulement que certaines infirmités physiques ne lui permirent plus autant d’oublier son âge. Il avait eu des déceptions, — qui n’en a pas ? — mais son âme avait de quoi se consoler, en pensant atout ce qu’elle avait donné d’elle-même : elle partit modestement dans la sérénité et dans la paix. Aucun de ceux qui tiendront à suivre, à s’expliquer, à comprendre, à compléter surtout et à amender, comme il l’eût voulu, les institutions du dernier demi-siècle, n’osera se montrer indifférent envers sa mémoire.


HENRI JOLY.