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VERS LA GLOIRE,


et brûlant qui s’étendait dans les profondeurs de ma vie. J’étais un enfant sans mère! Tout petit, je n’ai eu d’autre désir, d’autre ambition que d’atteindre à ces sommets nus et abrupts oij l’in^ telligence établit peu à peu son règne. Dans cet effort, ma sensibilité se desséchait, le meilleur de moi se llétrissait ! Mais je vous ai vue, j’ai entendu votre voix, musique céleste ; vous m’avez souri ; — et ce désir d’ambition et de gloire est devenu un grand songe peuplé d’images tendres et consolatrices... <( Il faut renoncer à cette douceur; je marcherai seul, tout seul désormais, sur mon chemin, et je ne me retournerai pas, de peur de faiblir en apercevant le reflet de cette grande lumière perdue. Le glaive de l’ange est sur mes épaules ;• j’en ai senti le froid glacial et coupant ; oui, j’ai senti peser sur moi une malédiction que je n’ai point méritée. — Peut-être ai-je commis le péché d’orgueil des adolescens avides, qui les prive durant leur vie entière des autres joies promises aux humbles et aux simples... Alors je n’ai qu’à m’obstiner dans mon péché, à vouloir escalader toujours plus haut le sommet abrupt où l’air est rare aux poitrines, et où le souffle humain s’épuise en de courts halètemens.

« Que serai-je demain ? Je ne veux pas envisager les hypothèses du mystère. « L’avenir est un enfant qui dort sur les genoux des dieux. »

Michel avait achevé la lecture de cette lettre mal écrite, dont tous les mots se heurtaient, dont quelques-uns tremblaient de colère. « Jamais je n’oserai lui envoyer cela, » se dit-il. Il froissa le papier entre ses mains.

La nuit était venue ; il ouvrit la fenêtre de sa chambre, où si souvent il s’était accoudé pour méditer ou rêver dans l’exaltation magnifique de sa jeunesse. Et il pleura devant les étoiles.

Jean Bertheroy.

(La troisième partie au prochain numéro.)