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tous les procédés de topographie, de cartographie, de télémétrie, de repérage, qui font découvrir les objectifs cachés et permettent de les détruire ; science, l’emploi des avions de guerre, munis de tous les perfectionnemens qui les lient à travers l’espace à leur point d’attache et assurent leur marche et la justesse de leur tir ; science, le sauvetage opératoire et le traitement de nos blessés et de nos malades qui chaque jour restitue de nouveaux bataillons à la France. On pourrait multiplier ces exemples. Il n’en est pas besoin.

Pour ne parler que de notre front, le seul dont la situation n’ait rien à voir avec la diplomatie, qui n’est point de notre ressort, — tout le monde a compris aujourd’hui que, si les Allemands arrivent à tenir en équilibre notre supériorité numérique et morale, c’est par une supériorité technique, qui, chaque jour d’ailleurs, tend à leur échapper. Le fait qu’un nombre relativement faible de soldats arrive à en contenir un nombre beaucoup plus grand, parce que les premiers sont plus abondamment pourvus de mitrailleuses et d’engins de toute sorte, a apporté la preuve définitive que la technique n’est pas moins importante que le matériel humain. L’emploi des gaz asphyxians et des liquides enflammés a continué la démonstration. Nos savans n’ont d’ailleurs pas été en peine pour riposter à tout cela par des trouvailles non moins efficaces, et l’institution du Ministère des Inventions qui va stimuler et coordonner leurs efforts apporte la preuve définitive qu’on a enfin compris le rôle essentiel dévolu à la science dans cette guerre.

À l’heure où la science française a l’honneur de voir convier à la défense de la patrie ses bataillons serrés autour des maîtres dans les laboratoires, et aussi ses tirailleurs, les petits chercheurs isolés, il n’est point sans intérêt de rechercher quelles furent, au lendemain de nos désastres de 1870, les réflexions des hommes qui représentaient alors la science française.

Dans les pensées de ces grands ancêtres qui souffrirent comme nous des plaies de la France ensanglantée, et n’eurent pas, comme nous l’aurons, la joie consolatrice de la Victoire, nous puiserons d’utiles leçons.

Pasteur, qui était alors le plus illustre et le plus grand des savans français, attribue catégoriquement nos désastres à la négligence, dans laquelle l’Empire avait tenu en France les hautes études. Dans une lettre à Raulin, qu’a citée M. Vallery-Radot, il s’écriait : « … La cause vraie de tout nos malheurs actuels est là. Ce n’est pas impunément, on le reconnaîtra peut-être un jour, mais bien trop tard, qu’on laisse une grande nation déchoir intellectuellement. Mais, comme vous le