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qu’est-ce, à présent que la philosophie ? Notamment, tout ; ou rien

L’idée de la Science devient de plus en plus vague, à mesure que les sciences deviennent plus précises. Et, l’idée de la Science, les savans y renoncent, tandis que leurs sciences progressent. Les États-Unis de la Science, est-il permis de les présager plus que les États-Unis de l’Europe ? Cependant le nom de la Science a un prestige tel que parfois on dirait qu’il reconstitue l’ambition surannée. Quelle étude ne réclame point l’honneur d’être une science et de collaborer à l’œuvre commune ? à l’œuvre qu’on a tort de supposer commune ? C’est ce dont témoignent, d’une façon peut-être inquiétante, les deux tomes de La Science française. On a représenté là des études qui n’ont ensemble nulle analogie d’objet ni de méthode. Soyons raisonnables : consentons que les études littéraires ne sont pas des sciences ; n’est-ce pas à vouloir être des sciences, qu’elles se dénaturent le plus tristement ? La pédagogie est-elle une science ? J’en doute, si l’auteur du chapitre intitulé « la science de l’éducation » professe qu’au XVIIe et au XVIIIe siècle « ce ne sont pas les représentans des idées françaises qui sont, en France, les maîtres de l’éducation. » Qui, ces maîtres ? Les Jésuites : des intrus et des étrangers ! Et ainsi l’ancienne France aurait été fort dépourvue d’idées françaises… Ah ! préservons la science française ou, pour mieux dire, les sciences qui sont cultivées chez nous, ou les études que nous aimons, préservons-les de la manie et des systèmes ; gardons-leur une de nos vertus, la bonhomie.


ANDRE BEAUNIER.