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empire dépassant 1 600 000 kilomètres carrés pour la plupart situés en Afrique. C’est elle encore qui leur a cédé la petite île d’Héligoland, dont la valeur, pour la défense des côtes Nord-Ouest de l’Empire, a été démontrée. Mais cela ne leur suffisait pas, et les yeux du Kaiser se fixaient avec obstination sur l’Afrique du Nord. L’épisode du Panther à Agadir le prouve. Ce jour-là, d’ailleurs, les Allemands firent preuve d’un bon jugement. S’il est un point du rivage atlantique du Maroc digne d’attention plus qu’aucun autre, n’est-ce pas la baie d’Agadir ? C’est le seul endroit sur cette côte où, avec des frais relativement modérés, une bonne station navale peut être établie. Agadir, en outre, est la porte de sortie de la région du Sous et de certains produits des montagnes de l’Atlas. L’Allemagne visait ainsi les gisemens de riches minerais, de la qualité la meilleure peut-être pour certains usages. Elle voulait aussi les réserves d’or contenues dans les vallées du Sous et de la Drau. Guillaume II pensait que l’Angleterre et la France ne seraient pas assez audacieuses pour s’opposer à ses vues. Il voulait édifier un autre Tsing-Tao. Ce devait être le premier et solide jalon de son rêve de domination dans l’Afrique du Nord.

Comme on l’a dit, en 1911, Essen n’avait pas encore produit ses merveilles ; l’Allemagne abandonna son projet marocain, — et accepta un accroissement considérable de son domaine du Cameroun, qui la faisait pénétrer profondément dans le bassin du Congo. Je ne puis m’empêcher de citer cette réflexion de sir Harry Johnson, si connu dans le monde colonial anglais. « Dans ses projets ambitieux, comme dans sa stratégie militaire, l’Allemagne n’a point recours qu’à un seul moyen offensif ou défensif. Lorsqu’elle est rejetée de ses positions sur la Bzoura, on découvre qu’elle a établi une autre forte ligne de défense sur la Vistule. Si elle ne peut avoir A, elle prend B. Quand elle ne peut pas obtenir de nous (les Anglais) la Nouvelle-Guinée britannique ou les îles Salomon, au moment de notre effort dans la guerre avec les Boërs, elle se contente de Samoa. »

D’autre part, la paix signée, que deviendront ces milliers d’hommes qui, durant de si longs mois, auront pris l’habitude d’une vie mouvementée jusqu’au drame ? Ces jeunes gens formés à une si rude école conserveront-ils l’idéal bureaucratique et