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Substitués aux commerçans, les agens de l’État ne réussissent ni à connaître les besoins, ni à préciser les ressources, ni à proportionner les ressources aux besoins en faisant circuler les denrées d’un bout à l’autre du territoire.

Dès le 25 juillet, le ministre de l’Intérieur se plaint de n’avoir pas encore reçu les tableaux des prix et les états des recensemens. Les réquisitions ordonnées dans les lieux où les grains sont en excédent deviennent impossibles. Le 31 août, le ministre rédige une autre circulaire et proteste contre les négligences intéressées, contre l’inertie ou les abus. L’état des choses actuel, dit-il en substance, ne peut plus exister ; la pénurie dans laquelle se trouvent tant de communes de la République doit nécessairement avoir un terme. « Je ne saurais me persuader qu’en ce moment des communes faisant partie d’un département qui ne serait pas tout à fait sans récolte puissent sentir encore la faim, si l’œil bienfaisant d’une administration paternelle ne s’était pas fermé sur leurs besoins. »

Sans doute, un nouveau décret ordonne de veiller à l’approvisionnement des départemens qui manqueraient de subsistances, mais ce texte n’est pas plus efficace que celui du 4 mai.

Le 11 septembre, une troisième loi renouvelle les défenses, les injonctions, prévoit des pénalités, récompense les dénonciateurs, et fixe, d’une façon uniforme, le prix des grains dans toute l’étendue du territoire.

Le 29 septembre et le 2 octobre, deux décrets appliquent la législation du maximum à toutes les denrées de première nécessité, à la viande, au beurre, au bétail, au vin, aussi bien qu’au charbon ou aux étoffes. Le prix de ces marchandises sera le cours de 1790 augmenté d’un tiers…

Aux efforts du législateur, le ministre de l’Intérieur joint les siens et multiplie des recommandations qui attestent l’impuissance même des décrets et les vices du système adopté.

C’est en vain qu’il parle du zèle et du courage dont les amis du peuple doivent faire preuve pour que la subsistance soit assurée et pour que « l’agioteur infâme ne puisse plus trafiquer des sueurs du pauvre. » Dans le préambule d’un nouveau décret, le sixième, la Convention reconnaît elle-même que la malveillance dégarnit les marchés et empêche la circulation des grains destinés aux armées, sous prétexte de conserver l’approvisionnement d’une année dans chaque commune et dans chaque