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exemple répandaient aussitôt l’alarme et provoquaient des troubles. Deux pièces curieuses, conservées aux Archives nationales, montrent combien était dangereuse l’action exercée sur des esprits inquiets par la publication de quelques projets irréalisables.

En 1789, une brochure, rédigée à Bayonne, prêtait à l’assemblée communale de cette ville l’intention de mettre un terme aux accaparemens, de taxer le pain, et de procéder à des réquisitions chez les marchands. La nouvelle, aussitôt colportée jusque dans les campagnes voisines, eut immédiatement pour effet d’y répandre l’inquiétude et de suspendre les transactions ordinaires.

Le Comité des subsistances de Bayonne protesta aussitôt, et fit placarder une affiche pour rassurer les cultivateurs. L’objet de notre mission, disaient les membres du Comité, est de faire abonder les subsistances dans la ville. Il se trouve contrarié par un écrit qui a circulé ces jours passés, non seulement ici, mais dans les villes voisines, où Bayonne puise ses approvisionnemens ordinaires. Le premier article de ce projet énonçant la fixation invariable du prix du pain, les habitans des campagnes en ont inféré que, désormais, le prix du blé serait proportionné à celui du pain. « Dès lors, justement alarmés par une mesure attentatoire au droit de tout propriétaire de denrées d’en fixer le prix suivant sa volonté, ils ont cherché à s’y soustraire en suspendant leurs envois au marché de Bayonne. Le Comité a déjà eu lieu de s’en apercevoir dans les deux derniers marchés, où il n’a pas été apporté la moitié de l’approvisionnement nécessaire à la consommation d’une semaine, ce qui a occasionné une hausse dans les prix. »

On voit clairement quel était l’effet d’une opinion rapidement répandue, et l’on peut prévoir ainsi quelles seront les conséquences de toutes les mesures arbitraires dont les cultivateurs, aussi bien que les marchands, craindront de devenir les victimes.

En 1789 comme en 1915, les diverses régions de la France étaient inégalement fertiles, inégalement peuplées, inégalement pourvues de moyens de communications. L’influence des circonstances atmosphériques se faisait en outre sentir et les différences constatées d’ordinaire, à propos de l’abondance des récoltes, se trouvaient ainsi exagérées. À ces contrastes