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aéroplanes, un aviatik et un avion français, se livrent un duel au-dessus de Loo. Pas de résultat. Mais voici qui est plus grave : on vient d’apprendre, le même jour, qu’à Lampernisse, l’église a été repérée et « marmitée » dans la nuit : ci « 120 tués ou blessés[1]. » Or, comme le remarque un officier, « il n’y a pas plus loin d’Eessen [d’où tire la grosse artillerie allemande] à Loo que d’Eessen à Lampernisse. » Et, par précaution, l’amiral décide d’enlever les 750 hommes du 3e bataillon qui sont logés dans l’église.

Reste à leur trouver un autre cantonnement. La place faisant défaut à Loo même, on dirige le bataillon sur Pollincliove. Mais, à Pollinchove, les locaux sont aussi encombrés qu’à Loo : force est bien de s’éparpiller dans les fermes environnantes, dont plusieurs sont pleines de réfugiés[2]. Leurs grands toits retombans trempent dans une mer de boue, à la façon de ces arches de Noé que les vieilles estampes nous montrent naviguant vers le mont Ararat. Et, sur ce sol spongieux, dans la moiteur chaude des fenils, la paille fermente désagréablement. Mais on a l’impression qu’on n’y « moisira » pas longtemps, et on s’en applaudit, en somme. Ce repos sans confort finissait par peser à tout le monde. La brigade a pu refaire ses unités ; les armuriers ont passé la revue des fusils ; un nouveau matériel de ravitaillement a remplacé les anciennes voitures poussives du Bon Marché, du Louvre, des Galeries Lafayette, qui menaçaient ruine à chaque cahot. Bref, il ne manque que des souliers. Quant au reste, grâce aux envois des journaux et des sociétés d’assistance militaire, on en est largement pourvu : paires de mitaines, plastrons, passe-montagnes, caleçons, couvertures, chandails, tricots, chaussettes affluent par ballots à la brigade. Il arrive jusqu’à du Cadum pour les pieds, — 8 000 boites, don de la manufacture, — du tabac et des cigares de la Civette, même des lampes électriques de poche, offertes par l’Etat aux officiers. « Voyez comme nous sommes gâtés ! »

  1. Dont pas un marin. Dans ce chiffre doivent être comprises les victimes faites par le bombardement sur d’autres points de la ville. Le « marmitage, » commencé à neuf heures du soir, dura un quart d’heure, éprouvant surtout « des chasseurs de la classe 15. Pauvres gosses ! » (Carnet du lieut. de v. de M…)
  2. « Départ à midi 30 pour Polinchove, où les compagnies se dispersent, réparties en plusieurs fermes, un peu à l’étroit. La 9e compagnie loge chez de braves gens, pas du tout partisans des Boches, qui hospitalisent déjà une vingtaine de réfugiés belges et un nombreux bétail. » (Journal de l’enseigne C. P…)