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arbitraire : il triompha ce jour-là à quatre voix de majorité. Dans le même esprit il essaya d’obtenir que l’enseignement religieux fût donné dans un local fourni par la municipalité.

Courageux devant toutes les tâches que sa conscience ne lui permettait pas de sacrifier, il ne craignit pas d’attirer sur lui bien des attaques à l’occasion de son rôle dans la Haute Cour. Il avait à faire valoir ou plutôt à se faire valoir à lui-même des argumens dont on ne peut pas contester la valeur. D’abord il était désigné d’avance pour ces fonctions, en vue de tous les cas possibles et imprévus : il ne convenait donc point à un magistrat (car il en était un dans la circonstance) de se récuser sans motifs irrésistibles. Ensuite, il était, de par la division des fonctions, chargé de l’instruction et de l’interrogatoire ; il devait donc remplir cette mission comme un avocat remplit celle de la défense. En condamnant tout procédé illégal comme il condamnait toute mesure exceptionnelle et arbitraire, il était parfaitement logique. Il le fut avec modération, sans rien d’opiniâtre et sans esprit de répression à outrance. Ainsi, au lendemain de la Commune, il avait insisté pour qu’on ne laissât pas trop longtemps les prévenus dans une incertitude à la fois inhumaine et dangereuse. « Il ne faut, disait-il, ni amnistie générale et prématurée, ni appel à des mesures de circonstance comme celles de 1848 et de 1851. Or si trop de prévenus attendaient trop longtemps qu’on statuât sur leur sort, le pouvoir serait trop tenté de tout abréger par l’un ou l’autre de ces deux moyens qui ne sont à recommander ni l’un ni l’autre. » Et il faisait voler une augmentation des crédits destinés à augmenter le nombre des conseils de guerre. En tout cela, il avait le droit de se recommander de ses principes et de ses méthodes, qui étaient celles de la justice tout court. En les défendant, en les appliquant, il pouvait garder devant qui que ce fût le front haut.

C’est enfin de ce biais, fort digne, à coup sûr, d’attention, qu’il abordait la discussion des questions sociales. Il intervint, et avec vigueur, dans la préparation de la loi des syndicats. Sans doute, attentif à ne rien oublier, ni du bien à favoriser ni du mal à empêcher, il entendait servir de son mieux les intérêts des travailleurs, mais à la condition de maintenir solidement l’équilibre national et de ne pas créer d’Etat dans l’État. Après avoir énuméré tous les droits que la loi nouvelle