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père, répondirent également non, se réservant également de se dévouer pour calmer les imprudences et pour prévenir les excès, dans quelque sens que ce fut. Il avait donc affermi et prononcé ses résolutions bien assez tôt pour que nul ne pût le soupçonner de s’être engagé dans des calculs et dans des machinations ; de parti. Il fut élu sénateur inamovible le 61e sur 15. En vérité, c’était fait pour lui, comme il était fait pour justifier et l’institution et la place qu’on y avait fini par lui ménager. Eùt-il donc, s’il avait été soumis à des réélections successives, couru le danger de se compromettre en des concessions intéressées et en des marchandages indignes de son caractère ? Assurément non ; mais il eût couru, — et bravé, — celui de se voir exclu à jamais des assemblées politiques. C’est surtout dans des réunions contradictoires et devant les exigences des incompétens qu’il eût manqué de souplesse en exprimant trop franchement sa véritable opinion. La sécurité lui donna plus de calme, elle consolida son habitude de considérer les problèmes en eux-mêmes et dans la vérité des solutions nécessaires. Enfin, ayant devant lui la perspective de ces réformes qui, étant des plus sérieuses et des plus difficiles, sont destinées à revenir souvent d’une législature à l’autre, il pouvait approfondir la question et en préparer de loin les données. Ne nous attachons donc pas ici à l’ordre exclusivement chronologique. Prenons les groupes de questions où se marqua le mieux son empreinte et où il laissera les traces les plus saillantes de son passage.


Etait-il donc entré dans la vie politique avec tant de raideur et d’intransigeance ? Non ! Il n’eût probablement pas été, ai-je dit, bien accommodant devant les réclamations si souvent incohérentes et devant les vœux irréalisables de la foule. Ceci ne l’empêcha point de savoir dans ses rapports sur les bancs du Sénat (car, enfin, ce n’était plus le même auditoire) discerner les points sur lesquels il pouvait céder et ceux sur lesquels il ne le pouvait pas. Il a personnellement mis en pratique ce conseil qu’il donnait un jour à ses collègues à l’occasion d’un projet de loi sur le mode d’élection des sénateurs. Suivant lui, la part du suffrage universel devait y être prépondérante, elle ne devait pas y être absolue. À cette occasion, il avoua qu’il était de la minorité, mais, dit-il, « quand on se voit battu, même sur une