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l’espérance de voir ce qu’on appelle le projet de lord Derby donner une accélération et un accroissement suffisans aux engagemens volontaires, il s’est engagé, dans le cas contraire, à recommander, sous une forme quelconque, l’obligation légale du service militaire. L’idée de l’obligation fait chaque jour des progrès sensibles, et quand on songe à la répugnance ou, pour mieux dire, à l’horreur que, hier encore, elle leur inspirait, on se rend compte que les Anglais s’acclimatent enfin, quoique trop lentement encore, aux obligations nouvelles pour eux que les autres nations de l’Europe ont acceptées depuis longtemps. Quoi qu’il en soit, l’accord semble bien s’être établi désormais entre la France et l’Angleterre sur le but à poursuivre : en est-il de même sur les moyens? Lord Kitchener, il y a quelques jours, a traversé Paris pour se rendre en Orient, où il va faire une rapide étude de ce que doivent être ces moyens. Nous souhaitons un prompt retour de lord Kitchener et une entente finale entre les deux gouvernemens, non seulement sur ce qu’il faut faire, mais sur la manière de le faire et sur les lieux où doit se poursuivre notre action commune. Après beaucoup de temps perdu, on ne saurait agir trop vite. M. Asquith, qui le sent bien, a annoncé l’intention de former, au sein même du Cabinet anglais, un comité de guerre, composé de trois membres au moins et de cinq au plus. C’est une excellente pensée et un bon exemple : nous ferons bien de nous en inspirer. Notre gouvernement, en y comprenant les sous-secrétaires d’État, se compose de vingt-trois ou de vingt-quatre membres : nous ne nous rappelons plus le chiffre exact, on s’y perd. C’est déjà beaucoup pour délibérer, c’est certainement trop pour agir.

On a vu par ce qui précède comment l’affaire de Salonique est née, et par suite de quelles circonstances quelques-uns des élémens sur lesquels on comptait ont malheureusement fait défaut. La conséquence en a été grave. Quel que soit le concours que nous donnons à la vaillante Serbie, ni ses troupes, ni les nôtres ne sont encore assez nombreuses pour l’emporter de prime abord sur celles de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Bulgarie réunies. Nous devons donc nous attendre à des sacrifices provisoires et nous y résigner. Mais, après être allés à Salonique, il n’y aurait pas de faute plus grande que de ne pas y demeurer. Il faut, au contraire, s’y affermir, s’y retrancher solidement et s’y tenir prêts à profiter des événemens ultérieurs qui ne manqueront pas de se produire. En Allemagne même, tout le monde n’approuve pas, tout le monde n’admire pas les conceptions grandioses qui ont amené l’empereur Guillaume à étendre