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d’un vaste plan d’ensemble, — et tout à fait « hostile, » — sous les dehors éminemment « pacifiques » de cette lente et continuelle invasion de sa ville natale et des autres cités belges par ce qu’il appelle la « taupe » allemande. Parmi l’indifférence, décidément incurable, de son entourage, il ne s’est point lassé de signaler et de dénoncer, au fur et à mesure, chacun des nouveaux progrès d’un puissant travail souterrain qui risquait de miner irréparablement, si l’on n’y prenait garde, l’ancien sol des libertés nationales de sa patrie. Et lorsque ensuite la tempête qu’il avait prévue s’est déchaînée sur la Belgique avec la soudaineté apparente et l’implacable rigueur que l’on sait, M. Claes a voulu que, du moins, l’Europe fût instruite des procédés au moyen desquels l’Allemagne avait longuement, patiemment préparé le succès de son agression. Le volume qu’il vient de publier en Angleterre, — et qui sans doute ne tardera pas à paraître aussi dans les autres pays, — est tout rempli de documens significatifs, établissant avec une certitude absolue la réalité d’une préméditation du « coup » allemand de l’été de 1914, — et d’une préméditation qui, bien loin de n’avoir commencé qu’à la veille du « coup, » remonterait plutôt à la date lointaine du passage à Anvers du navire école du capitaine Œlrich. Jamais encore, peut-être, il ne nous a été donné d’assister d’aussi près au déploiement quasi quotidien d’une ténacité politique appuyée sur des ressources inépuisables d’hypocrisie et de mauvaise foi. Et il n’est personne à coup sûr qui, après avoir pris connaissance de l’imposant appareil de preuves dressé devant nous par l’écrivain belge, ne se sente disposé à admettre avec M. Claes la profonde, — et terrible, — justesse de cette conclusion qu’il en tire : « Aucun pays ne saurait, sans de graves périls, accorder aux Allemands les mêmes avantages qu’il accorde aux autres étrangers ; car le fait est que les Allemands ont pour principe d’employer les avantages de l’hospitalité d’autrui à des fins hostiles pour le pays qui les leur accorde. »


Mais, avant d’analyser brièvement les chapitres où M. Claes nous fait voir à l’œuvre cette singulière conception allemande de l’hospitalité, je ne puis m’empêcher de signaler une autre catégorie de ses « preuves, » celles-là ayant plus expressément pour objet de nous montrer les préparatifs immédiats de l’invasion armée d’août 1914. Voici, par exemple, des libraires d’outre-Rhin achetant à Bruxelles, pendant les six premiers mois de la même année 1914, environ 38 000 cartes militaires de la Belgique ! Voici les chemins de fer