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Necringel en contiennent le Credo. Confidences échangées, consultations sollicitées et octroyées composent nécessairement la substance d’un roman par lettres, et je ne sais si l’impudeur naïve de certains conseils ne nous renseigne pas mieux encore que les actes sur la vilenie de ceux qui les donnent ou les reçoivent. La composition consiste, cette fois encore, en intrigues juxtaposées. Mais, tandis que dans Flirt les âges différaient, ce sont ici les tempéramens. Françoise de Trémeur est l’énergumène de l’amour ; Anna de Courlandon est la curieuse, en quête de la révélation désirée et toujours attendue ; Vanoche, Vanitoche est la linotte, l’évaporée, victime désignée de l’ignoble Munstein. N’oublions pas les lettres où le prince de Caréan et son noble père débattent les conditions d’un mariage opulent : comme lettres d’affaires matrimoniales, elles réalisent la perfection du genre. Celles de Cyprien Marfaud ne sont guère moins instructives pour le jour qu’elles nous ouvrent sur la mauvaise compagnie : tout s’y passe exactement comme dans l’autre, à la différence près des manières. Seule différence en effet, à laquelle on distingue les diverses classes de la société, et telle est bien la leçon du livre. Une scène centrale en résume et en condense la tragique horreur. C’est une des plus audacieuses qu’il y ait dans la littérature moderne, et traitée avec autant d’art que de force. Quand Mme de Trémeur, justement inquiète des conséquences de sa faute, se trouve en présence du vieux médecin complaisant, notre imagination évoque les drames de cour d’assises que le respect de la moralité publique entoure du huis clos. L’auteur l’a voulu ainsi. La noirceur de son pessimisme triomphe à nous montrer qu’à tous les étages de l’édifice social on use des mêmes pratiques. Le mordant de sa satire résulte du contraste entre la qualité des acteurs et celle de leurs actes. Il est trop évident que l’heureuse, la riche, l’adulée Françoise de Trémeur, le « petit flagrant délit chéri, » n’a aucune des excuses qui poussent une fille du peuple aux plus criminels égaremens.

L’étude ne serait pas complète, si elle négligeait une question d’un autre ordre, dont, à vrai dire, il n’est pas admis de parler entre gens du monde. Cette question n’était pas totalement absente de Peints par eux-mêmes, puisque Le Hinglé triche au jeu, particularité qui l’achève de peindre et parfait sa ressemblance avec les roués de l’ancien temps. Elle emplit toute