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Lundi 9 mai.

… Le Roi est fort occupé d’acheter et d’arranger la Hochstraus, parce que sa fille y tient ; il tourmente le pauvre Conneau tantôt pour un plan, tantôt pour un autre, ce qui ne s’arrange pas avec ses projets de départ. Le voyage de M. de Stolzing à Stuttgard était pour aller demander le consentement du Roi pour le mariage… Après le déjeuner, j’ai rejoint la Reine chez elle, et, comme les Mémoires Parquin l’occupent beaucoup, je suis en faveur dans ce moment… Je l’ai quittée à l’arrivée du Roi chez elle… Je suis descendue plus tard pour recevoir toute la société, et l’air sec de la Princesse ; malgré sa préoccupation du Prince, je ne lui crois pas une grande tendresse pour lui, mais une grande envie de l’épouser.

Elisa prétend que nous aurons la vie dure avec elle, et que c’est déjà fort ennuyeux. Le Prince m’a fait voir les bonnets que ses cousines Marie et Théodolinde lui ont faits, il s’est beaucoup moqué de celui de la dernière. On a joué aux questions, où le Roi a tyrannisé, selon son habitude… J’ai reconnu la Princesse à la demande : « Quelle est la plus mordante de la société ? » et la réponse : « Qu’il sache écouter et admirer » à la question : « Quelle était la qualité qui me plairait le plus dans un mari ? »

… Le mardi, à l’heure de la toilette de la Reine, je suis descendue chez elle ; elle était tout en larmes. Elle m’a dit qu’elle venait d’avoir une longue conversation avec son fils. Il désirait aller voir son père. Pour elle, le seul mot d’Italie était synonyme de tant de malheurs qu’elle ne pouvait envisager cette pensée sans douleur. « Madame, ce serait peut-être une chose favorable à ses intérêts. — Et si les Autrichiens allaient le garder ? — Mais, madame, il n’y a pas qu’une seule route. » Tout en disant cela, ce seul mot m’avait fait frissonner pour lui et pour elle…

Ces paroles de la Reine ne m’avaient pas étonnée ; j’avais deviné qu’on chercherait à entraîner le Prince à Florence, à l’enlever à sa mère. La princesse Mathilde préfère naturellement l’Italie a la Suisse et usera toujours de toute son influence pour l’y entraîner. Le Roi a un si bel établissement. Une fois là, n’est-il pas naturel qu’un père retienne son fils ? Puis la difficulté d’avoir des passeports pour le retour… Et je voyais ma pauvre