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une impertinence tombait de haut, plus elle frappait. Il était vrai que Mlle de Perrigny était ici dans une autre position que moi, puisqu’elle avait l’honneur d’être la parente de la Reine et du Prince et que c’était à ce titre qu’elle était dans la maison, mais que, si on m’avait joué un pareil tour, j’aurais été à Constance au lieu de rentrer, qu’on serait venu m’y chercher et me faire des excuses, ou que je n’aurais jamais remis les pieds à Arenenberg. » — « Ce ne serait pas moi qui y aurais été, » m’a répondu le prince Jérôme. — « Je crois aussi, mon prince, que je n’aurais jamais habité sous le même toit que vous. » Je lui ai conté alors la fable de Florian, des singes jouant à la main chaude avec le lion, et que Mlle de Perrigny en avait appris d’eux la morale. « Il n’est pas question de princes. » — « S’il n’est pas question de princes, auriez-vous trouvé bon qu’on fit la même chose à votre sœur ? » — « Ma sœur n’a pas l’âge de Mlle de Perrigny. » — « Non, mais cette différence n’est pas tellement grande qu’il doive y en avoir dans les procédés, et Mlle de Perrigny a un frère qui trouverait sûrement cela fort mauvais. » Je ne sais quelle impertinence il m’est échappé, mais, au milieu de notre discussion, le Prince m’a dit que, si je n’étais pas une femme, il me répondrait autrement. J’ai ajouté que « ce qu’il y avait de plus mauvais, c’était d’avoir fait désobéir le domestique auquel Mlle de Perrigny avait dit qu’on l’avertit, que c’était la compromettre vis-à-vis de tous les gens de la maison. À cela, le prince Jérôme m’a répondu que ce n’étaient pas ses domestiques ; qu’elle n’avait pas d’ordres à donner. J’ai élevé la voix en répondant pour que chacun l’entendit : « que Mlle de Perrigny avait le droit de donner des ordres à tous les gens de la maison jusqu’à ce que la Heine en ordonne autrement, et qu’elle seule en était juge. » La Reine qui, peut-être, craignait que je n’allasse trop loin, m’a appelée sous je ne sais quel prétexte. J’ai pris mon ouvrage et je me suis assise près d’Elisa qui travaillait. On a fini par faire des jeux. Nous n’avons bougé ni l’une ni l’autre. On nous a proposé d’en être. J’ai répondu que nous n’étions pas nécessaires. Le Roi est revenu du billard me pincer l’oreille en me disant d’en être, et le prince Louis s’étant approché de moi pour insister, je me suis levée et me suis réunie à eux. Elisa est restée obstinément à son ouvrage. Le Prince était de la plus grande tendresse avec sa cousine. Le soir, en allant me coucher, j’ai conté