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Nous avons trouvé tout le monde occupé des journaux et de la séance où l’on a présenté la pétition pour le rappel. M. de Golberg avait parlé le premier, puis le général Petit ; MM. de Briqueville et Larabie à merveille, M. Mauguin a aussi pris la parole, mais d’un air embarrassé, et M. Odilon Barrot, malgré sa promesse, n’a pas dit le mot. Le résultat a été l’ordre du jour. C’est une nouvelle mystification de Louis-Philippe. Il est maître en fourberie. Après le dîner, le Prince a joué au billard avec sa cousine, puis fait des tours pour l’amuser. Il en a toujours l’air occupé, elle est vraiment gentille. J’ai joué aux échecs avec le prince Jérôme. La Reine m’a engagée à écrire à M. de Golberg.

Arenenberg, 14 avril.

Je joins mes félicitations, monsieur, à celles de tous vos amis sur le beau discours que vous venez de prononcer à la Chambre pour le rappel de la famille Bonaparte. Il a été lu ici par les intéressés avec un vif sentiment de gratitude. Ils sont sensibles à ce que vous avez essayé de faire pour eux et charmés de pouvoir ajouter un talent aussi distingué, un mérite aussi supérieur que le vôtre, à ceux des nobles défenseurs de cette grande infortune. Vous avez compris avec votre sagacité ordinaire, monsieur, que si le gouvernement jugeait leur éloignement utile à sa sécurité, d’aussi bons Français sauraient se résigner à tous les sacrifices nécessaires à la tranquillité du pays, mais que leurs malheurs méritaient quelque allégement. Il semble que ce serait une bien faible justice que de les mettre sur la même ligne avec les Bourbons de la branche aînée, qui tous, en partant, ont pu emporter chacun tous leurs biens particuliers, tandis que ceux des Bonapartes sont encore retenus sous le poids d’une confiscation et qu’une partie sert, au budget de la Guerre, à payer les Chouans ! Espérons que le temps couronnera les efforts de leurs généreux défenseurs en leur rendant ces droits de citoyens français, seul objet de leur ambition, et qu’alors, les tribunaux ne se diront pas incompétens à décider de leurs biens ; ceux au moins dont on n’a pas disposé encore pourront leur être facilement rendus. En attendant, ils trouvent quelques consolations dans l’intérêt qu’un petit nombre de cœurs, élevés comme le vôtre, leur témoignent encore. Je suis charmée d’avoir à me faire l’interprète de toutes les choses gracieuses qu’ils ne peuvent vous dire eux-mêmes. »