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n’avait-on pas pensé à exiger que les types présentés au concours fussent capables de vaincre cette grosse difficulté ?

Et, je le demande encore, n’est-il pas évident que si la question avait été aussi nettement posée au corps compétent, en 1896, elle serait aujourd’hui depuis longtemps résolue ?

Mais, dans cette phase de l’existence encore bien courte des sous-marins, — le Gymnote ne datait que de 1886, — on n’en » était encore qu’à perfectionner l’engin, considéré en soi. Lui faire tenir la mer le mieux et le plus longtemps possible, assurer à son équipage quelques garanties de bien-être et d’hygiène, obtenir qu’il pût lancer avec exactitude, sur un navire en marche, la torpille automobile dont on le munissait, telles étaient les seules préoccupations de ceux-là mêmes, assez peu nombreux, qui avaient foi dans son avenir.

Cet avenir, disons-le tout de suite, parce qu’il nous faudra faire tout à l’heure quelques réserves, la solution proposée par M. Laubeuf l’ouvrait tout d’un coup large et brillant.

« Que parlez-vous, écrivaient les partisans du Narval, que parlez-vous de naviguer, de vivre, d’opérer sous l’eau ? C’est vouloir de gaieté de cœur tout compliquer, tout rendre difficile, sinon impossible. Le sous-marin bien compris doit être un navire de surface qui ne plongera que dans des cas parfaitement déterminés et peu de temps avant l’attaque décisive qu’il doit prononcer. Ce doit être, en un mot, un torpilleur susceptible de s’immerger, et nous l’appellerons désormais le submersible. »

La nouvelle solution de tant de problèmes délicats ne prévalut pas complètement tout de suite. A peu près en même temps que le Narval, la marine française mettait en chantier le Morse, sous-marin proprement dit, c’est-à-dire bâtiment dont la flottabilité était beaucoup plus réduite que celle du submersible et qui, s’il conservait le bénéfice, — fort appréciable, — d’une mise en plongée plus rapide[1], ne pouvait avoir, en surface, par des mers un peu fortes, la « buoyancy, » la faculté de s’élever à la lame comme une bouée, qui distinguait son rival. D’ailleurs, immédiatement après le Morse, venaient le Français et l’Algérien, dus, comme le premier, à M. l’ingénieur

  1. Ce bénéfice s’est peu à peu réduit, à mesure que se perfectionnaient les dispositions prises pour hâter l’introduction de l’eau dans les ballasts du submersible. Mais le « sous-marin pur » a conservé, comme nous le verrons tout à l’heure, l’avantage d’un plus grand rayon d’action en plongée.