Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


On était pourtant arrivé peu à peu à une certaine classification des sous-marins dans l’ordre militaire, classification bien simple, d’ailleurs. On avait des sous-marins défensifs et des sous-marins offensifs, je le disais tout à l’heure, et peut-être, dans ces derniers, commençait-on à distinguer ceux que l’on voulait appeler à l’honneur particulier de coopérer avec les escadres de grands navires de surface. C’est, en effet, le nom de sous-marin d’escadre que M. l’ingénieur Laubeuf donne, dans son dernier ouvrage[1], au grand submersible dont il a créé, en 1896, le prototype, le Narval.

Le « submersible, » viens-je de dire… Arrêtons un instant notre attention sur cette dénomination, d’ailleurs exacte, d’une famille toute nouvelle de sous-marins.

« En 1896, écrit M. Laubeuf, M. Lockroy, alors ministre de la Marine, ouvrit un concours pour les sous-marins, afin de faire avancer la question par la réunion de toutes les bonnes volontés. Le programme de ce concours était excessivement élastique. Il s’agissait surtout de réaliser un bateau nouveau, dont on laissait les conditions à peu près à la disposition des inventeurs, sauf le tonnage, fixé par le programme à un maximum de 200 tonnes. On voulait faire éclore des idées nouvelles… »

Ce passage est d’un grand intérêt. Tout y est à retenir, à des points de vue divers : l’idée féconde du concours ; l’élasticité du programme et l’entière liberté, — réserve faite de la fâcheuse limitation du déplacement, — laissée aux concurrens ; le propos bien arrêté de provoquer l’éclosion d’idées nouvelles ; tout cela, dis-je, est excellent. Mais il y manque justement l’essentiel, l’indication précise d’objectifs militaires définis.

Supposons que le programme en question, qui avait dû être transmis, pour avis, à l’état-major de la marine, eût porté cet article :

« Un des types proposés devra satisfaire à la condition de franchir, en plongée, un détroit de trente-cinq à quarante milles marins, parcouru par un courant contraire de deux à trois milles à l’heure, barré par des filets plongeant à trente

  1. Sous-marins et submersibles, publié cette année même, 1915.