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incartades qu’ils avaient commises ensemble comme, par exemple, leur conduite à Rome, lors de la visite à Léon XIII. En annonçant qu’il se retirait avec son père, Herbert de Bismarck ne faisait que devancer un arrêt auquel il n’aurait pas échappé.

Nous trouvons d’autres preuves de la colère de Bismarck, dans les propos qu’il tenait à Maurice Busch en lui annonçant sa démission.

— C’est maintenant un fait accompli. Ah ! les choses ont été plus vite que je ne croyais. J’avais d’abord pensé qu’il me serait reconnaissant si je restais encore quelques années auprès de lui, mais je me suis aperçu qu’il n’avait qu’un désir, celui de se débarrasser de moi pour gouverner seul avec son propre génie, dans sa seule gloire. Il en a assez du vieux mentor ; il lui faut maintenant des agens plus dociles. Mais, moi je ne puis me résoudre à plier le genou devant lui, à me coucher sous la table comme un chien. Et puis j’en ai assez des intrigues de Cour, assez de toutes leurs insolences, assez d’être espionné. Ma retraite est définitive. Je ne veux pas prendre à mon compte, comme couronnement de ma carrière, les bévues d’un esprit présomptueux et inexpérimenté.

L’état d’âme que trahit ce langage sera désormais celui du prince de Bismarck ; jusqu’à la fin de sa vie, il ne décolérera plus, et, sous l’empire de ses emportemens, il englobera dans la même critique amère et railleuse les trois souverains qu’il a servis. — J’ai vu trois rois pour ainsi dire nus, rappelle-t-il un jour, et je dois dire que ces trois messieurs ne m’ont pas toujours montré quelque chose de bien beau.

Au cours des événemens que nous rappelons, et dont le dénouement remplit un espace de huit journées, les délégués à la conférence ouvrière, arrivés à Berlin, se préparaient à commencer leurs travaux. On sait que la délégation française était présidée par Jules Simon. Elle avait été reçue par le prince de Bismarck. Non content d’offrir à la conférence, pour y tenir ses réunions, un salon du palais de la chancellerie, il avait Invité ses membres à diner pour le 19 mars. Sa démission étant officielle ce jour-là, ainsi que la nomination de son successeur, le général de Caprivi, ses invités s’attendaient à être contremandés. Mais il n’en fut rien, et, le soir venu, ils se trouvèrent réunis à la table du prince de Bismarck.

Il eut le bon goût de ne pas récriminer devant eux. Comme