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d’Olty, dont le chef-lieu fut deux fois pris par nos troupes après de vifs combats. J’allai trouver un conseiller d’Etat, Iwanoff (Nicolas), ancien consul à Erzeroum, qui était adjoint à notre délégation comme expert en affaires asiatiques, et je lui demandai s’il pouvait me tracer une frontière établie sur le deuxième projet de l’état-major, mais en gardant quelque chose pour nous, surtout le district d’Olty, qu’il me paraissait utile de sauver. Ivanoff le fît immédiatement, et j’allai porter la carte à M. d’Oubril pour le prier de la soumettre au chancelier comme base de l’arrangement qu’il allait proposer à lord Beaconsfield, au lieu du tracé envoyé par l’état-major.

L’ambassadeur s’y refusa absolument, disant que le chancelier n’aimait pas qu’on lui donnât des indications et des conseils. Si je voulais le tenter, je n’avais qu’à le faire moi-même. Je m’y décidai aussitôt, mais j’échouai absolument. Le prince me répondit avec humeur que l’Etat-major devait savoir mieux que moi ce qui lui était utile ; qu’il fallait être grand quand on traitait entre hommes d’Etat de premier rang ; un district de plus ou de moins n’était pas important ; la confiance et l’amitié de Beaconsfield l’étaient beaucoup plus, etc. Je me retirai en lui laissant cependant ma carte. Rentré chez M. d’Oubril, j’y trouvai le comte Schouvaloff qui, ayant appris ce que j’avais fait, me supplia d’aller dire au prince Gotchakof qu’il serait absolument inutile de proposer à Beaconsfield la combinaison que j’avais suggérée. Les Anglais étaient décidés à insister sur le deuxième tracé dont ils avaient eu connaissance, et toute tentative de négociation ne pourrait que retarder la solution et créer de nouvelles difficultés. Je me vis obligé de rentrer chez le prince pour lui dire que le comte Schouvaloff était d’un avis absolument différent du mien et le faisait prier de ne rien tenter avec Beaconsfield, puisqu’il subirait un échec. « Oh ! le comte Schouvaloff croit que j’échouerai, s’écria-t-il. Eh bien, nous allons voir ! » Le chancelier était piqué au vif et il était évident qu’il allait se mettre en quatre pour réussir. Aussi étais-je très impatient de voir l’issue de son entretien avec Disraeli, qui dura très longtemps, et pendant lequel Montagu Corry, assis dans la voiture, lisait des journaux ou un livre quelconque. Lorsqu’il fut parti, un courrier vint m’appeler chez le chancelier. Je trouvai le prince entouré de ses collaborateurs, Jomini, Fréedérickx. Oubril y était aussi. Il