Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait précédés. Très faible encore et fatigué, j’étais étendu sur une chaise longue. Le général commença par me dire qu’il était chargé par l’Empereur de me demander de rester à Constantinople à la tête de l’ambassade. Sa Majesté l’avait chargé de se persuader si réellement mon état de santé ne me permettait pas de prolonger mon séjour sur le Bosphore, et, si cela n’était point exact, notre auguste Maître désirait que je continuasse à y diriger les affaires avec la perspective d’être nommé ministre. Je répondis à Todtleben, que la volonté de l’Empereur était pour moi une loi, que j’étais prêt à sacrifier ma vie, à employer toutes mes forces pour le servir, et que par conséquent l’état de ma santé ne pouvait pas entrer en considération dans cette circonstance. « Mais, dis-je, il s’agit de l’intérêt du service. Croyez-vous en toute conscience que, dans l’état où vous me voyez, je sois capable de diriger de si importantes affaires, de faire face à toutes les difficultés politiques et aux fatigues matérielles que les fonctions qu’on veut m’attribuer comportent ? Quelques-uns des représentans sont déjà à la campagne. Je devrai aller vous voir à San Stefano, courir à la Porte, à Therapia où s’est déjà transporté sir Austin Layard. Serai-je en état d’y suffire ? La direction de l’ambassade en ce moment demande une main sûre et ferme ; il faudrait un homme expérimenté, un général. Je ne me sens vraiment ni les forces, ni l’autorité pour une pareille mission. »

La nervosité avec laquelle je parlais et l’épuisement qui s’en est suivi ont paru convaincre le général Todtleben. « Je le regrette, me dit-il, l’Empereur désirait vous garder à Constantinople, mais je vois réellement que cela ne serait pas possible. Je vais à l’instant même Lui rendre compte de notre entrevue. »

La conversation passa alors à des sujets relatifs à la situation qui nous était faite, aux négociations en cours et à celles dont il était lui-même chargé. Me voyant, au bout d’une demi-heure de conversation, prêt à m’évanouir, M. Onou proposa au général de me laisser me reposer et reprendre des forces, sauf à revenir dans une couple d’heures. Nous reprîmes nos entretiens vers deux heures : il s’agissait surtout de l’état où nous nous trouvions vis-à-vis de la Porte et des mesures à prendre pour exécuter le traité de San Stefano dans ses parties qui restaient encore en suspens. La question principale qui intéressait les militaires, c’était l’évacuation des forteresses. Le