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du grand-duc le palais de Beylorbey, sur la côte d’Asie, où était descendue, neuf ans auparavant, l’impératrice Eugénie. Le grand-duc irait à Dalma Baghtché faire sa visite au Sultan, et Sa Majesté la lui rendrait à Beylerbey. C’est ce qui fut exécuté vers la mi-mars (la date exacte de cet événement m’échappe). Le matin du jour fixé pour l’audience, le grand-duc se rendit à bord du yacht Livadia dans le Bosphore, accompagné des principales personnes de sa suite et des princes de la famille impériale, qui se trouvaient à cette époque à San Stefano. Si ma mémoire ne me trompe pas, c’étaient son fils, le grand-duc Nicolas jeune, le duc Eugène de Leuchtemberg et le prince Alexandre d’Oldenbourg. Les aides de camp et le reste de la suite avaient pris passage à bord du paquebot Constantin, de la Compagnie, employé pendant la guerre par le ministère de la Marine et naviguant sous pavillon de guerre. Nous étions tous en grande tenue de campagne. À bord se trouvait l’orchestre militaire du grand-duc, et lorsque nous passions devant la pointe du Sérail, Son Altesse dit qu’il faudrait faire jouer la musique. « Que faut-il jouer ? » demanda un des aides de camp. « L’hymne russe ? — Non, répondit Son Altesse, une marche quelconque.

— Il n’y a pas de marche plus appropriée à la circonstance, dis-je, que celle du régiment Préobrajensky, datant de Pierre le Grand, et pour laquelle il y a des paroles de l’époque disant : « Nous sommes connus des Turcs et des Suédois, et le monde entier a eu de nos nouvelles. » (RUSSE)

— Vous avez raison, dit le grand-duc. Et il fit exécuter cette marche solennelle, qui rappelait les premiers succès remportés par la jeune armée russe sur la Turquie et la Suède.

En jetant l’ancre devant Dalma Baghtché, la Livadia fut immédiatement accostée par des délégués du Sultan, accompagnés de M. Onou, qui venaient lui souhaiter de la part de Sa Majesté la bienvenue et l’accompagner à terre.

Abdul Hamid reçut le grand-duc en haut de l’escalier de Dalma Baghtché et le conduisit dans la grande salle du palais. Quelques personnes seulement avaient accompagné Son Altesse auprès du Padischah. Il y avait entre autres les trois princes nommés plus haut, le chef de l’état-major général Népokoitchilzky et moi. Peut-être y avait-il aussi le général Levitzky et le prince Massalsky ; mais je n’en suis pas sûr.