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projet de home rule qui était sur le point d’être l’objet d’un vote définitif, il a tout simplement organisé et préparé la résistance armée de l’Ulster, c’est-à-dire la guerre civile : tout le monde, à ce trait, a reconnu en lui un homme d’action, espèce d’hommes qui plaît toujours aux Anglais. Les fusils étaient sur le point de partir entre Irlandais protestans du Nord et Irlandais catholiques du Sud lorsque la guerre, déchaînée sur le continent, leur a heureusement donné une autre direction. Sir Ed. Carsona expliqué sa démission à la Chambre des Communes. Il s’est exprimé dans les termes les plus convenables sur le ministère qu’il quittait, mais enfin il le quittait, et pourquoi? Après avoir rappelé combien était grave la situation balkanique et quels devoirs en résultent pour l’Angleterre : « Cette situation, a-t-il dit, avec toutes ses conséquences, nécessitait à mes yeux une politique claire et décisive, et, me trouvant à ce sujet en désaccord avec le gouvernement, j’ai senti que ma présence dans le Cabinet ne serait d’aucune utilité dans les circonstances auxquelles nous avons à faire face. Comme ma présence aurait été seulement une source de faiblesse dans un moment où nous avons besoin de toute notre force, et d’une harmonie parfaite, j’ai décidé de me retirer, non pas en raison de motifs personnels, mais dans l’intérêt de mon pays. »

Cette déclaration donne à réfléchir : est-ce que la politique du gouvernement anglais ne serait pas « claire et décisive ? » Nous aimons à croire que, pour mieux rendre sa pensée, sir Ed. Carson en a exagéré l’expression. Quoi qu’il en soit, l’Angleterre est en ce moment sous une impression de malaise. Le ministère s’y est reconstitué, il y a quelques semaines, comme le nôtre semble être sur le point de le faire. On a constitué, chez nos voisins, un large ministère de conciliation nationale et de concentration où, pour la première fois dans l’histoire, les conservateurs et les Libéraux ont été représentés côte à côte. Cela n’empêche pas ce ministère d’être encore plus critiqué et attaqué que ne l’est celui de M. Viviani. On fait retomber sur lui la responsabilité des déceptions qu’on a éprouvées et qui se renouvellent encore trop souvent. L’Angleterre, pourquoi ne pas le dire? a mis longtemps à comprendre et, même encore aujourd’hui, peut-être ne le comprend-elle pas tout à fait, combien la situation du monde et la sienne propre sont changées par les progrès de l’Allemagne et par l’audace sans mesure d’un peuple ambitieux et brutal qui n’aperçoit plus les bornes de ses forces. Ceux mêmes qui, parmi les Anglais, se rendent compte des obligations nouvelles