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de réconcilier les États balkaniques et d’assurer leur union. » Le fait a prouvé combien cette observation était fondée : il est seulement regrettable qu’on s’en soit avisé si tard. Toute cette partie du discours de sir Ed. Grey n’a qu’un intérêt rétrospectif : celle qui se rapporte à la Serbie nous touche en ce moment davantage, et nous aurions aimé qu’elle fût encore plus explicite. « Les Alliés, a-t-il dit, désirent donner à la Grèce et à la Serbie toute l’aide possible. Aussi ont-ils expédié à Salonique celles de leurs troupes qui étaient disponibles... En prenant ces mesures, nous agissons en étroite coopération avec la France. La coopération des troupes russes est promise, dès qu’elles seront disponibles. » Et sir Ed. Grey a continué en disant que les autorités militaires des Alliés ne cessent pas d’être en consultation étroite.

Tout cela révèle sans nul doute les meilleures intentions ; mais à chaque phrase de l’orateur, on est tenté de demander quand et comment elles se réaliseront. Sir Ed. Grey ne met aucune précision à le dire et dans une discussion ultérieure, qui a eu lieu à la Chambre Haute, lord Lansdowne n’a nullement dissipé ces incertitudes : il les a plutôt aggravées. De la Russie nous savons peu de chose. Quant à l’Italie, si nous ignorons quel a été le langage de son gouvernement, celui de quelques journaux, notamment de ceux qu’il inspire, est tout le contraire d’une promesse, ou du moins d’une promesse immédiate. Plus tard, nous dit-on, on verra, on fera le possible; pour le moment, l’Italie ne croit pas pouvoir aider la Serbie d’une manière plus efficace qu’en prenant plus résolument l’offensive sur le front où elle combat dans le Tyrol et le Trentin. Et, en effet, elle l’a prise et a obtenu quelques résultats brillans; mais sont-ils appelés à exercer, sur les événemens balkaniques l’influence qu’aurait une action directe en Serbie, ou même en Albanie? Quand nous écoutons le langage de nos alliés et que nous regardons leurs actes, les observations que nous avons faites au commencement de cette chronique nous reviennent à l’esprit avec plus de force : nous aurions, non pas facilement admis, mais compris qu’on n’allât pas en Serbie; ce que nous ne comprendrions pas, c’est qu’après y être allé, on n’y fit pas tout le nécessaire. En pareil cas, les demi-mesures sont pire que tout.

Telle est, paraît-il, l’opinion de sir Edward Carson, qui était hier attorney général dans le Cabinet anglais et qui vient de donner sa démission comme M. Delcassé, mais pour un motif différent. Tout le monde aujourd’hui connaît sir Ed. Carson à cause du rôle de premier plan qu’il a joué en Irlande à la veille de la guerre. Désapprouvant le