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Aujourd’hui, il est clair que la vaillance des guerriers n’est utile qu’en proportion de la machinerie qu’ils doivent manœuvrer, et de la quantité de métaux dont ils peuvent faire des projectiles et des armes.


Au premier rang se place le fer, qui forme l’ossature des canons, des fusils, le point d’exclamation aigu des baïonnettes, les plaques de blindage et les cuirasses, le corps des obus, reliquaire mortel des explosifs, et toutes les variétés d’acier qui sont des carbures plus ou moins complexes du fer, et qui constituent essentiellement les engins modernes de guerre. L’argent, dit-on, est le nerf de la guerre. Mais ceci n’est qu’une image. Si on s’exprimait sans métaphore, il faudrait dire que c’est le fer qui est le nerf de la guerre.

L’un et l’autre groupe des belligérans ont du fer en quantité suffisante, ainsi que les accessoires nécessaires pour le travailler. Pourtant la production de nos ennemis est inférieure en qualité à celle des Alliés. L’éminent métallographiste anglais Carpenter, à qui nous empruntons plusieurs des données de cette étude, en donne comme exemple la comparaison des quantités d’acier, acide et basique, produit en Allemagne et en Grande-Bretagne en 1913, qui est la dernière année pour laquelle on possède des données complètes. La production totale en acier de l’Allemagne, pour cette année, a été de près de 19 millions de tonnes dont 4 pour 100 seulement d’acier acide, tandis que la Grande-Bretagne produisait 7 600 000 tonnes, dont 74 pour 100 d’acier acide. L’un et l’autre pays, d’ailleurs, importent de grandes quantités de fer suédois, qui est employé pour la fabrication des meilleurs aciers, et de minerais espagnols, qui sont fondus chez nos voisins anglais avec les minerais du district de Cleveland, trop riches en phosphore.

La production de l’acier nécessaire notamment à la fabrication des corps d’obus explosifs et de shrapnells, exige d’autre part l’introduction d’un second métal de la plus haute importance, le manganèse, qui, sous la forme de ferro-manganèse, sert à désoxyder l’acier fondu, et y incorpore de 0,5 à 1 pour 100 de manganèse, qui donne au produit des qualités particulières. Les principaux producteurs du manganèse sont par ordre d’importance : la Russie, l’Inde et les États-Unis, qui, on 1913, ont fourni environ 93 pour 100 de la quantité extraite. La matière première est la pyrolusite qui correspond, lorsqu’elle est pure, au bioxyde de manganèse bien connu de tous les