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le second est sans doute le plus juste, car on est adversaire d’une politique et ennemi d’une personne. Représentans des anciens partis et surtout des anciens abus, les membres du nouveau Cabinet en veulent beaucoup plus à M Venizelos de sa politique intérieure que de sa politique extérieure ; ils se sont coalisés contre lui parce qu’il était devenu pour eux tous un obstacle. On sait à quel degré d’abaissement ils avaient fait ou laissé tomber la couronne elle-même, lorsque M. Venizelos est survenu et a donné à la Grèce et à la couronne elle-même un nouveau prestige.

Mais, encore une fois, tout cela est l’affaire des Grecs ; la nôtre est ailleurs. Nous sommes heureux de dire que le président du Conseil, M. Zaïmis, échappe à la plupart des reproches qu’on peut faire [à ses collègues. Après sa première démission, c’est lui que M. Venizelos avait désigné au Roi comme étant le plus apte à lui succéder : s’il avait été consulté de nouveau, il aurait sans doute donné aujourd’hui la même indication. M. Zaïmis n’a que de bons sentimens pour la Quadruple-Entente et on peut croire qu’il le témoignera dans la mesure du possible. On est satisfait de penser qu’il a pris le ministère des Affaires étrangères. Au moment où nous écrivons, il est à la veille de faire entendre à la Chambre sa Déclaration ministérielle. Le bruit court qu’il ne dira rien du traité avec la Serbie, ni de l’interprétation à lui donner, et peut-être fera-t-il bien, puisque c’est le meilleur moyen de réserver l’avenir que personne aujourd’hui ne se hasarderait à prophétiser. Nous parlons de l’avenir immédiat, car, pour nous, comme pour M. Venizelos, le dénouement de la guerre ne fait pas de doute. Mais qui pourrait prévoir par quelles péripéties nous devrons encore passer ? La Grèce a voulu garder sa liberté entière et elle l’emploie aujourd’hui à conserver sa neutralité. Soit, mais nous serions surpris si elle pouvait maintenir cette attitude jusqu’au bout. M. Venizelos a raison de croire que les intérêts primordiaux de l’hellénisme sont engagés dans la grande lutte qui se poursuit, et ce n’est habituellement pas par l’abstention qu’un pays en voie de croissance réalise ses aspirations légitimes et accomplit ses destinées. La Bulgarie l’a compris, et ce n’est pas ce que lui reprochera l’histoire : ce sera d’avoir, sous l’impulsion d’un roi étranger, ambitieux, vaniteux, méconnu les vrais amis de la Bulgarie, manqué à ses traditions et couru des aventures qui, si même elles tournaient comme il l’espère, assureraient la grandeur d’un autre et sa propre vassalité.

En attendant, quelle est la situation pour les Alliés, et notamment