Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/956

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

délié pour n’avoir pas compris que les ambitions affichées par la Bulgarie étaient pour eux une menace : aussi la mobilisation bulgare a-t-elle été aussitôt suivie de la mobilisation hellénique. La réponse s’est faite, comme il convenait, du tac au tac. Il y a eu malheureusement par la suite des divisions sur la portée de la mesure, mais la mesure elle-même a été prise au milieu d’un consentement général, et ceux qui connaissaient mal les dessous de la politique ont pu croire que M. Venizelos était pleinement d’accord avec le Roi. Le discours qu’il a prononcé alors était plein de tact et de mesure. Après avoir indiqué le sens de la mobilisation grecque, garantie d’une neutralité armée qui répondait à une neutralité armée, sans impliquer nécessairement, ni d’une part ni de l’autre, un but agressif : « Toutefois, a-t-il dit, malgré ces assurances mutuelles, la situation doit être considérée comme grave. Une mobilisation générale amène, avec le système moderne des armées nationales, un ébranlement profond dans la vie économique et sociale d’un pays, impose de colossales dépenses, et ne peut se prolonger sans entraîner des conséquences redoutables pour la paix. Ces dangers sont beaucoup plus grands quand un des pays mobilisés ne dissimule pas qu’il ne juge pas acceptable le statu quo territorial établi par les traités conclus entre lui et ses voisins. Je ne dis pas cela pour dépeindre la situation sous des couleurs plus sombres qu’elles ne le sont réellement, mais je n’ai pas le droit de dissimuler au pays le véritable état des choses, car si tous, en Grèce, nous souhaitons ardemment la paix, je sais aussi avec quel esprit d’incomparable abnégation le peuple grec en armes est prêt à défendre son intégrité ainsi que les intérêts vitaux du pays, et à s’opposer à toute tentative d’un État balkanique quelconque tendant à créer en sa faveur une situation prépondérante qui marquerait la fin de l’indépendance morale et politique des autres. » M. Venizelos concluait en exprimant l’espoir que la prompte démobilisation en Bulgarie amènerait la fin de cette situation tendue. A peine avait-il fini de parler, au milieu des applaudissemens, que M. Gounaris, son prédécesseur, se levait pour déclarer qu’il approuvait absolument son langage. L’harmonie était donc générale, ou semblait l’être. Et cependant, pour qui allait au fond des choses, le discours de M. Venizelos présentait déjà la guerre comme inévitable, puisque personne ne pouvait douter que la Bulgarie ne de mobiliserait pas, que, tout au contraire, elle attaquerait la Serbie, enfin que ses ambitions consistaient précisément à établir sa prépondérance dans les Balkans. Si les Balkans ne s’unissaient pas contre l’ennemi commun,