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THÉODORE KÖRNER ET LA PRUSSE

LA FIN DU PARNASSE


I. — LE PLAN DE CAMPAGNE

Lorsque l’année avant cette guerre, revenant de Pologne, je visitai pour la première fois la ville de Dresde, elle me semblait encore vivre en marge de l’esprit nouveau, de cette poussée qui avait déchaîné sur l’Allemagne la brutale impatience des appétits matériels et, sur ses voisins, le fléau de son arrogance. A ma surprise, je trouvai là encore un peu de ce ton de distinction et d’élégance discrète que les voyageurs y avaient connu dans le passé et qui avait fait de cette ville un séjour de prédilection pour la société anglaise comme jadis pour les Français.

En dirigeant ma promenade dans les allées de la terrasse de Brühl, je découvris au tournant d’un chemin, à demi caché par des arbres, un monument en marbre qui soulignait cette impression, celui d’un homme en qui s’incarnait miraculeusement tout ce que la nouvelle Allemagne avait combattu, renié et dénaturé, tout ce qu’elle avait profané et méconnu. On voyait là l’image d’un grand vieillard aux cheveux longs, assis sur un banc rustique, son visage rasé tout illuminé de douceur attentive, tourné vers le mirage de la nature en fête. C’était Ludwig Richter, l’artiste populaire d’une Germanie d’avant les guerres, un ouvrier de l’Idéal dont on peut dire que, s’il n’existait