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puissance dictatoriale, il saurait patienter dans l’attente du moment où son impérial élève, devenu le maître, la lui rendrait entière et complète.

Ainsi, tandis que l’Empereur agonisait et qu’autour de son lit, les ennemis de Bismarck nourrissaient l’espoir de voir disparaître le chancelier, celui-ci, assuré de conserver ses fonctions sous le nouveau règne, assistait impassible et railleur aux agitations des courtisans qui, pour la plupart, croyaient à sa chute prochaine, encore qu’il parût invraisemblable que Frédéric III, étant donné son état de santé, fût disposé à se séparer d’un collaborateur dont l’influence était prépondérante en Allemagne.


II

A la lumière des événemens résumés dans les pages qui précèdent, on peut se figurer les propos qui s’échangeaient dans Berlin, à la Cour et à la ville, durant les heures qui précédèrent la mort de Guillaume Ier. L’incertitude du lendemain, en ce qui touchait les intérêts dynastiques, troublait les esprits et ce qui dominait, — on ne saurait trop le constater, — c’était la crainte que, le nouvel Empereur étant condamné par les médecins, son règne ne fût une période de troubles et n’eût pour effet de paralyser les affaires, qui ne sauraient prospérer que sous un gouvernement fort et durable.

Pendant ce temps, Guillaume Ier s’enfonçait de plus en plus dans la tombe. Durant la nuit du 8 au 9 mars, il se débattait encore entre la vie et la mort ; mais, au petit jour, il entrait en agonie et, à huit heures trente, on annonçait officiellement qu’il venait d’expirer. « La consternation est universelle, » télégraphiait-on de Berlin à Paris, On apprenait, quelques heures plus tard, que l’empereur Frédéric, en recevant à San Remo la nouvelle de la mort de son père, s’était mis en route pour rentrer en Allemagne. Ce retour inattendu soulevait des questions angoissantes : Pourrait-il supporter le voyage ? Arriverait-il vivant ? On annonçait d’autre pari qu’au lieu de se rendre directement à son palais de Charlottenbourg où tout était prêt pour le recevoir, il s’arrêterait à Leipsig pour s’y reposer. Les ministres étaient invités à l’y rejoindre dans la journée du