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coup férir. Les Bulgares aideraient les Allemands à passer et les Turcs les recevraient à bras ouverts. Cependant ce n’est pas de ce côté de la Serbie qu’a eu lieu la canonnade allemande : c’est plus à l’Ouest, à Semendria, à l’embouchure de la Morava. S’il est plus long, le chemin serait peut-être plus facile le long d’une rivière. Mais le projet allemand est-il à la veille de son exécution ? Quelques personnes en doutent ; d’autres, plus nombreuses, hésitent à croire que la canonnade de Semendria soit une simple démonstration : si elle n’est suivie de rien, la déception sera grande en Allemagne. D’autre part, les aviateurs qui surveillent la frontière serbe affirment que, aussi loin que la vue s’étend, on n’aperçoit encore aucune armée allemande et qu’il n’y a rien derrière les canons de Semendria. Il sera plus prudent de ne pas s’y fier ; ce qui n’est pas vrai aujourd’hui peut l’être demain. Nous savons bien le peu de crédit que mérite la parole d’Enver pacha : il faut cependant relever celle qu’il a prononcée devant ses troupes, en présence du duc de Mecklembourg qui venait de les voir manœuvrer et presque de les passer en revue. Enver a affirmé que cette présence même était la preuve qu’une armée allemande était en marche vers la Turquie. Il ne l’avait pas inventé, et certainement le duc de Mecklembourg le lui avait dit : en tout cas, il ne l’a pas démenti.

On comprend maintenant quel avantage serait pour l’Allemagne l’intervention de la Bulgarie contre la Serbie : il n’est pas douteux qu’elle l’ait sollicitée et qu’elle ait promis de la payer. Le caractère moral du roi Ferdinand n’a pas résisté à cette sollicitation et à ces promesses : aussi, le lendemain du jour où a eu lieu son entrevue avec les représentans de l’opposition, la mobilisation de l’armée bulgare a-t-elle été ordonnée par décret : elle a commencé aussitôt. C’est la réponse du Roi à la demande qui lui avait été faite de réunir le Sobranié et de constituer un ministère national. L’émotion a été vive et devait l’être, non pas que l’événement fût imprévu, mais il posait des questions dont la solution devait être immédiate. M. Radoslavof s’est empressé de dire qu’il n’avait pas la moindre intention d’attaquer la Serbie, mais que, en présence des événemens qui se préparaient et qui pouvaient mettre en cause la sécurité de la Bulgarie, il avait jugé indispensable de passer de la neutralité pure et simple à la neutralité armée. Et c’était toujours la neutralité. Après les épreuves auxquelles la Bulgarie a soumis la crédulité de l’Europe, personne ne croit plus à sa bonne foi. Le roi Ferdinand, doublé de M. Radoslavof, ne saurait obtenir aujourd’hui un atome de