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la tenter. On sait, et nous venons d’ailleurs de le rappeler, que, fidèle au principe qu’il convient d’avoir plusieurs cordes à son arc, la Bulgarie a négocié en même temps avec la Porte et avec nous. La Porte et derrière elle l’Allemagne prétendaient alors ne lui demander que sa neutralité : les Alliés lui demandaient davantage, à savoir son intervention à leur côté. La Bulgarie ne disait pas non, mais comme prix de son concours, elle revendiquait toute la partie de la Macédoine que le traité de 1913 a attribuée à la Serbie : puis Cavalla, Drama et Serès qui appartiennent à la Grèce. Quelle que fût l’énormité de ces demandes, les Alliés sont entrés en pourparlers avec la Serbie et la Grèce pour en obtenir les concessions que la Bulgarie exigeait, moyennant de larges compensations qui leur seraient attribuées ailleurs. Des efforts de persuasion ont été faits à Athènes et à Nich. Dans la première de ces deux villes, le résultat en a été négatif : la Grèce a déclaré nettement qu’elle ne céderait rien. Dans la seconde, il a été plus favorable : après la première et bien naturelle protestation de la Serbie, la raison politique l’a emporté chez elle ; M. Pachitch a été autorisé par la Chambre à faire les concessions nécessaires, et il les a faites dans une mesure qui n’est pas encore complètement connue, mais qu’on sait avoir été généreuse. Il ne s’en faut pas de beaucoup que la Bulgarie ait tout obtenu : si elle l’avait voulu, si elle le voulait encore aujourd’hui, la Macédoine serait à elle. Elle avait, à la vérité, une dernière prétention ; les promesses les plus formelles ne lui suffisaient pas ; elle demandait à occuper tout de suite les régions concédées. Il aurait fallu qu’à cette défiance si nettement avouée, les Alliés répondissent par une confiance sans mémoire et sans prévoyance, pour se prêter à cette nouvelle exigence. Le roi Ferdinand leur a appris qu’on ne saurait avec lui prendre trop de précautions et, puisqu’il demandait des garanties, on était en droit de lui en demander également. Le rendre plus fort contre la Serbie avant d’être bien sûr qu’il n’abuserait pas de cet avantage aurait été, de la part des Alliés, une imprudence dont on avait tort de les croire capables. Ils ont proposé une autre combinaison, à savoir d’occuper eux-mêmes la partie concédée de la Macédoine pour la remettre, le jour du règlement général, à ses possesseurs définitifs. Les ministres des Puissances alliées à Sofia ont demandé une entrevue à M. Radoslavof et lui ont fait leurs offres. Qu’on se rappelle que c’est M. Radoslavof lui-même qui avait demandé ce qu’on lui apportait. Les concessions obtenues étaient telles que, si la Bulgarie était encore libre, si elle n’avait pas pris ailleurs des