presque à la veille de l’agression sauvage et de cet attentat sacrilège contre la cathédrale de Reims, dont une année entière ne devait point épuiser l’horreur. Encore une fois, les gazettes d’outre-Rhin ne ménagèrent point alors leurs éloges. Un éditeur d’Allemagne, et non d’Italie, publia l’ouvrage. Aujourd’hui, quand nous lisons la partition, quand il arrive qu’au-dessous du texte italien, — que dis-je, au-dessus — nos yeux rencontrent les paroles allemandes, que nos lèvres, par mégarde, les prononcent, les uns en gardent comme une ombre funeste, et les autres on ne sait quel goût de cendre et de mort.
M. Bossi lui-même a bien voulu nous informer que son œuvre était sur le point, quand éclata la guerre, d’être exécutée à Paris. Et savez-vous sous quel patronage ? Il paraît que Jeanne d’Arc aurait eu pour marraine Mme Yvette Guilbert. L’auteur nous apprend aussi qu’il a conçu Jeanne d’Arc comme une œuvre de concert, analogue, par la forme et par la destination, à la Damnation de Faust. Il estime enfin que la rapide succession des épisodes aurait pu comporter un accompagnement ou des illustrations cinématographiques. C’est trop d’ambition, ou plutôt, et bien au contraire, trop de modestie. Ne mêlons pas les genres, surtout les genres inégaux. Poésie et musique nous suffisent et se suffisent aussi.
Le poème de Jeanne d’Arc a pour auteur M. Luigi Orsini. Il se divise en quatre parties (dont un prologue) et douze tableaux. Le prologue (en quatre tableaux) se passe à Domrémy. Après une introduction pastorale et populaire (chansons et danses autour de l’Arbre des fées), sainte Marguerite et sainte Catherine d’abord, puis saint Michel archange, apparaissent à Jeanne, lui révèlent sa mission divine et lui commandent de se mettre en chemin. Première partie : une halte guerrière, à Blois, et, tout de suite après, l’entrée triomphale à Orléans. Ici peut-être, fût-ce dans un raccourci d’épopée, on aurait souhaité moins de hâte, un progrès plus égal, plus de préparations et de développerions. Viennent maintenant « la chevauchée sur Reims, » « le couronnement » et « le songe de Jeanne, » intermède symphonique. Enfin la troisième et dernière partie commence par une courte scène, — assez insignifiante, — où le duc d’Alençon annonce au peuple la capture de Jeanne ; puis c’est la prison de Rouen et le bûcher avec l’obligatoire apothéose.
Dans son ensemble, ce poème a l’avantage d’être court et le défaut d’être sommaire, incomplet aussi. Des vides, ça et là, s’y font sentir. Il y manque les transitions et les ménagemens. On voudrait qu’il eût, avec autant de brièveté, plus de substance et plus de tenue. Quant