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méthode de vantardise habituelle et en vertu du proverbe que la fortune vient aux riches. Le fait est néanmoins indéniable, et la guerre actuelle en aura donné la sensation trop nette à ceux qui l’ignoraient ou qui le niaient obstinément. D’où l’idée très répandue que cette fortune est due au prestige de la victoire et à la forte organisation militaire de l’empire allemand. C’est ce que l’on a beaucoup dit, et les Allemands, tout les premiers, se sont prêtés à le laisser croire. Il était naturel, à leur sens, que le peuple élu fût aussi le peuple dominateur et exploiteur de l’univers. Je ne tomberai pas dans l’excès inverse et je n’essaierai pas de faire croire que l’Allemagne moderne est sortie automatiquement et fatalement, sans aucune intervention humaine, des profondeurs noires où ses kobolds extraient patiemment un Or du Rhin, moins brillant, mais plus utile que celui de la légende. Il est certain tout au moins que la victoire a donné aux Allemands cette foi en eux-mêmes et cet esprit entreprenant qui sont un élément essentiel du succès. Elle les a débarrassés de toutes les luttes inutiles, destinées auparavant à constituer leur unité. Depuis ce moment, ils ont vu grand en toute chose, parfois jusqu’à l’excès, et ils ont eu confiance dans un gouvernement qui avait préparé leur triomphe : gouvernement disposé à encourager puissamment, méthodiquement, par tous les moyens, les développemens de l’industrie. Ce ne sont pas là des facteurs négligeables. Néanmoins, rien de ce que nous avons vu n’aurait pu se réaliser sans l’abondance extrême et le bon marché de la houille. Ici encore, il suffit de laisser parler les chiffres. Sans remonter plus loin, en 1880, l’ensemble de l’Allemagne produisait 50 millions de tonnes ; en 1890, 90 ; en 1900, 150. En 1908, elle a atteint 215 millions ; en 1912, 255 millions ; en 1913, près de 279 millions. Ces chiffres comprennent, il est vrai, les lignites, qui sont des combustibles inférieurs. Mais, en les laissant même de côté, nous avons, pour la période 1901-1905, une moyenne annuelle de 113 millions ; de 1906 à 1910, 142 ; en 1911, 156 ; en 1912, 172 ; en 1913, 491. Et ce n’était là que le point de départ d’un essor interrompu par la guerre, l’effet des dernières découvertes houillères ayant à peine commencé à se faire sentir.

L’intervention directe de l’industrie houillère sur le développement de tout le pays apparaît aussitôt quand on regarde