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toute façon le travail des mutilés. Sans doute les ateliers d’apprentissage se chargeront, dans la plus large mesure qu’ils le pourront, du placement de leurs ouvriers respectifs. Ils n’y parviendront toutefois qu’avec l’actif concours des chambres de commerce, des syndicats patronaux et ouvriers, des représentans des grandes industries. Quand les circonstances le permettront, sauf le cas d’indications contraires, chacun de nous devra considérer comme un devoir de donner la préférence à l’ouvrier mutilé de la guerre sur son concurrent valide. Ne craignons point l’exagération dans ce sens : nous aurons fort à faire pour contre-balancer le préjugé contraire et pour décider nombre de patrons, toujours timides, à faire choix de collaborateurs mutilés. Il faudra même donner aux plus habiles et aux plus intelligens les moyens de s’établir comme patrons, Une caisse de prêts vient d’être instituée à cet effet par M. Bourlon de Sarty, directeur de l’Association pour l’assistance aux mutilés pauvres. Elle a besoin de recevoir des donations et surtout des prêts désintéressés. Plus encore, il faudra qu’elle serve de modèle à de nombreuses créations similaires, car la décentralisation la plus grande s’impose en pareille matière : pour prêter utilement, il faut connaître le débiteur. Si par tous ces moyens le public vient ainsi en aide aux travailleurs mutilés, et s’il s’ingénie à rendre leur effort productif, il aiguillonnera singulièrement les hésitans.

Il a plus à faire. Le prodigieux effort financier que nécessite la guerre paralyse en ce moment les initiatives en matière d’œuvres sociales. Le devoir patriotique nous interdit de demander à l’Etat de distraire des ressources destinées à la défense nationale les sommes importantes que nécessiterait la création d’ateliers d’apprentissage en nombre suffisant. Il ne pourra que plus tard faire face à ses obligations. Et pourtant, tout délai est un danger. La période critique pour le réformé qui quitte le corps, c’est celle où il reprend contact avec la vie, où il rentre dans un milieu peu disposé à le croire encore apte au travail, où de nouvelles habitudes se contractent. Aussi est-il essentiel que le plus possible des œuvres privées se substituent provisoirement à l’Etat pour assurer des apprentissages durant cette période transitoire. Souvent, si elles ne créent pas des ateliers, elles pourront obtenir de petits patrons qu’ils acceptent de recevoir des apprentis mutilés. Ils se feront par-là peu à