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plus impotens, peuvent être mises à profit. A l’atelier de reliure, par exemple, la vérification des pages, qui demande du soin mais point de force physique, sera confiée à un vieillard ; le massicot pourra être manié par un amputé d’un bras, tandis que l’endossure reviendra à un amputé d’une jambe. Le salaire minimum est de 1 fr. 25 par jour, et le salaire moyen de l.fr. 50. Un tiers des ouvriers environ touche le salaire minimum, un second tiers le salaire moyen, un dernier tiers se partage des salaires moins maigres qui peuvent, très exceptionnellement, monter à 3 francs. Malgré la pauvreté de ces résultats, je ne saurais dissimuler que le coût de l’entreprise est élevé ; d’après le rapport de 1911, que j’ai entre les mains, pour 481 ouvriers les dépenses sont montées cette année-là au total de 363 000 francs, et les recettes à 231 000 seulement. La différence a été à la charge du Conseil municipal jusqu’à concurrence de 10 000 francs et du Conseil général de la Seine pour 142 000, soit 152 000 francs, environ 316 francs par ouvrier. C’est là une assistance coûteuse assurément. Et elle le serait davantage sans doute si les administrations publiques ne fournissaient le travail et ne dispensaient ainsi la direction du plus grand des soucis, celui de l’écoulement des produits. Mais n’oublions pas que pour les malheureux qui peuplent ces ateliers, nous n’avons le choix qu’entre cette forme d’assistance et l’hospitalisation ; or l’hospitalisation à Paris est évaluée à 1 200 francs par an, et, par conséquent, sans parler du profit moral qui est inappréciable, nous enregistrons encore une économie de près de 75 pour 100. N’oublions pas surtout que si, pour qui n’a rien, un salaire de 1 fr. 25 par jour est dérisoire, et que si l’on ne parvient qu’à force d’une prodigieuse ingéniosité et d’aumônes déguisées, — cantines d’un bon marché extrême, don de vêtemens usagés, — à permettre à son bénéficiaire de joindre les deux bouts, pour le mutilé qui touchera sa pension d’Etat et qui vivra le plus souvent en province, le même salaire, n’étant plus qu’un complément de ressources, deviendra un appoint très appréciable.

Ce n’est pas tout, au reste, que d’avoir des ateliers d’apprentissage et des ateliers permanens pour invalides, il faudra les faire fréquenter. Je voudrais qu’il fût possible de subordonner le versement de la pension à cette condition que le mutilé donnera la somme de travail dont il est encore capable. Je ne