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l’entrée, des médecins apprécient les capacités des candidats à la rééducation. Plus tard, ils surveillent la parfaite adaptation des appareils de prothèse (bras et mains surtout), qui doivent être dans certains cas enrichis de dispositifs particuliers appropriés aux métiers et aux habitudes personnelles. Un enseignement intellectuel subsidiaire, qui a un peu le caractère d’un enseignement postscolaire, est donné à quelques-uns parallèlement à l’enseignement professionnel, aux comptables surtout, parmi lesquels il en est qui, en vue de la représentation commerciale, apprennent l’anglais et même le russe. On sait l’extrême importance de l’hygiène et des exercices physiques pour les corps mutilés : des récréations en plein air sont ménagées aux internes après chaque repas, et pour leur permettre d’entretenir ou de reconquérir l’agilité de leurs mouvemens, des jeux sont mis à leur disposition.

Suivant l’excellent exemple donné par Lyon, une quinzaine d’écoles ont été récemment ouvertes à nos mutilés, dont l’une, celle de Saint-Maurice, qui compte actuellement 135 apprentis, dépend du ministère de l’Intérieur. Mais ce n’est là qu’un point de départ. Il faut que de nombreux établissemens semblables soient fondés dans toutes les régions militaires. Je dis nombreux, non pas seulement parce qu’il y a intérêt à ne pas imposer aux mutilés la nécessité de s’éloigner outre mesure des leurs, non pas seulement parce que certaines professions de caractère local pourront y être enseignées avec profit, mais encore parce qu’il importe que dans ces écoles le nombre des apprentis soit peu élevé. Un enseignement qui s’adresse à des anormaux doit être, autant qu’il est possible, un enseignement individuel. Il est essentiellement une conversation à deux. Il consiste dans la transmission d’une masse de petits procédés empiriques, variables avec le genre et le degré de la mutilation, par lesquels le mutilé supplée au défaut de ses organes. Il se complète d’encouragemens nécessaires, et suppose une confiance réciproque, une sorte de communion intime entre le maître et le disciple. Pour ces raisons les Frères de Saint-Jean-de-Dieu, de même que les directeurs de l’établissement de Copenhague, ont reconnu la supériorité des maîtres mutilés et infirmes, souvent plus dévoués à leur tâche, qui conduisent leurs disciples à travers des obstacles expérimentés par eux, les fortifient par leur seule présence qui est un exemple, et leur