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Dans l’impossibilité où l’on est de faire mieux, on se borne à jeter en avant des tranchées ce qu’on appelle des réseaux Brun, qui ne constituent pas, loin de là, un obstacle infranchissable.

Il est très malaisé, pour ces mêmes raisons, d’obtenir le flanquement des feux. Quant au barrage d’artillerie, la forêt très touffue, les fourrés, la nature accidentée du sol et aussi la proximité des lignes ennemies en diminuent considérablement l’efficacité.

Et cependant, presque toujours, ces admirables virtuoses que sont nos artilleurs viennent à bout de ces difficultés.

Le barrage d’artillerie finit tout de même par s’établir. On n’imagine pas l’ingéniosité des moyens auxquels on a recours pour cela. Quelquefois ce sont des canons placés à quelques kilomètres les uns des autres qui battent des secteurs séparés à peine par quelques mètres. Les observateurs d’artillerie restent en permanence dans les tranchées de première ligne. Au moindre mouvement, à la moindre agitation remarqués dans les lignes ennemies, un coup de téléphone ; quelques secondes après, une pluie d’obus s’abat sur ces lignes. Les Allemands, qui commençaient à montrer leurs casques à pointe, s’empressent de rentrer dans leurs trous. Que d’attaques ont été de la sorte arrêtées, coupées net dès la première minute ! Notre 75 fait l’office du chien de garde, qui aboie, qui mord dès qu’il entend le premier bruit suspect.

L’admirable artilleur qu’est le colonel B…, dont la riche imagination est toujours prête à fleurir en trucs de métier, en ruses de guerre, en stratagèmes, a même inventé toute une série de barrages et de tirs. Il y a ce qu’il appelle le barrage à pattes, employé contre les cheminemens supposés de l’adversaire, sur les sentiers où il a coutume de passer. Il y a le tir de punition, le tir d’amorce, etc., etc.

L’artillerie allemande tire considérablement moins que la nôtre. Elle fait en ce moment de grosses économies. Agit-elle ainsi par nécessité, ou bien réserve-t-elle ses obus et ses canons pour de meilleures occasions ?

Il se peut que les Allemands passent, eux aussi, par une crise de munitions. Ne nous laissons pourtant pas aller à des espérances qui nous vaudraient des déceptions. N’oublions pas qu’ils sont le premier peuple industriel du monde !