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notre infanterie remplit aussitôt les rebords des entonnoirs et nos sapeurs rétablissent prestement la position.

A dix-huit heures, nouvelle attaque sur le front de la Fontaine-aux-Charmes. Le feu de notre infanterie, le barrage de notre artillerie, réussissent à arrêter net les Allemands une première fois. Ils reviennent à la charge : leurs soldats lançant des grenades et des pétards arrivent jusque dans nos tranchées. Un corps à corps s’engage. Ils sont entièrement repoussés…

Cet après-midi, près de Moiremont, le général passe en revue un bataillon qui revient de la première ligne. Les effectifs sont au complet, l’aspect des hommes des plus satisfaisans. Un grand nombre de soldats interrogés font tous d’excellentes réponses. La nourriture, disent-ils, continue à être très bonne. On touche tous les jours du vin.

— Les hommes, me dit un capitaine, ne se demandent plus, comme il y a deux mois, quand finira cette guerre. Ils sentent, ils savent qu’elle sera longue et ils en ont pris leur parti.


20 janvier. — Deux avions allemands, faute d’essence, sont venus atterrir dans nos lignes. L’un d’eux était monté par un capitaine très intelligent, sortant de l’Académie de guerre. Il y avait un autre officier et deux sous-officiers. Chose curieuse, mais qui, à la réflexion, s’explique à merveille, le moral était chez eux en proportion inverse du grade et de l’intelligence. Les sous-officiers croyaient, sans aucune réserve, à toutes ces histoires dont le gouvernement et la presse germanique nourrissent la crédulité de leur peuple : écrasement prochain et total des Russes ; puis retour d’Hindenburg avec ses armées pour écraser la France à son tour. L’autre officier marquait un peu moins de confiance. Mais le moins confiant de tous, était le capitaine breveté. Au cours de l’interrogatoire officiel, il ne répondit pas grand’chose, mais il se montra beaucoup moins réservé dans une conversation familière, à bâtons rompus. Comme on lui disait que l’état-major allemand allait sans doute entreprendre contre nous quelque grande offensive, il répondit sans hésiter : « Bah ! à quoi cela nous mènerait-il ? »

On lui disait encore : « Le XVIe corps de Metz, qui est en face de nous, doit apparemment être très fatigué. Est-ce qu’on ne va pas le remplacer ?

« — Le remplacer ? — répliqua-t-il, — mais avec quoi ? »