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difficultés économiques françaises, plus pénibles à vaincre que les difficultés matérielles de colonisation et de mise en valeur, ne manque ni de souplesse ni d’ardeur.

Le pays qui a prodigué son épargne à tous ceux qui la lui ont demandée, même sans garanties, peut affirmer que le crédit à faire au dehors ne l’effraie pas, s’il a des chances de récupérer ce qu’il avance,

Nous répétons : il s’agit d’effets et non de causes ; si nous ne nous déplaçons pas, c’est que nous avons constaté par des voyages que nous n’avions rien à offrir d’une façon permanente ; si nous ne faisons pas de crédit, c’est que nous ne pouvons, pour nos marchandises soumises à des fluctuations de cours purement nationales et souvent hors de prix, nous adresser au dehors qu’à une clientèle de second et même de troisième ordre, qui ne nous inspire qu’une confiance limitée ; nous ne nous conformons pas aux goûts de la clientèle, parce que la rigidité de nos combinaisons douanières nous l’interdit, quand il s’agit de marchandises étrangères à offrir aux mêmes prix et dans les mêmes conditions que l’Étranger. Il n’y a qu’une cause à tous ces effets : notre régime économique tout à fait hostile à l’exportation.

Nos lois de douane ont pour but avoué d’élever le prix des objets en France et elles ont pour conséquence de réduire pour nos industriels le stimulant de la concurrence, ce qui a son effet sur la qualité ; dès lors, nos marchandises ne peuvent pas lutter au dehors contre les produits dont la concurrence nous effraie au dedans ! De cette inaptitude à la concurrence, découle peu à peu le manque de relations directes avec les anciens débouchés et la suppression des services nationaux de navigation. Les quelques affaires qui nous restent en produits de luxe nous permettent seulement de donner du fret aux navires étrangers faisant escale chez nous, et déjà cette situation nous rend tributaires de l’Etranger ; mais, comme il ne s’agit que de produits de luxe, à la moindre crise dans les débouchés lointains (et elles y sont fréquentes), les relations s’espacent, et bientôt il nous faut, pour les reprendre, aller au dehors : à Liverpool, à Anvers, à Hambourg, chercher les navires qui ne trouvent plus intérêt à venir chez nous. Ce jour-là, nos produits se dénationalisent et peu à peu le contact se supprime tout à fait entre les marchés anciens d’exportation et les nôtres ; pour