Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/584

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le gouvernement italien, celui qui, hier soir, a remis sa démission entre les mains du Roi, avait aboli, le 4 mai, à la veille du Sacre des Mille, le traité de la Triple-Alliance. Ce traité, il l’avait déclaré, en ce qui concerne l’Autriche, caduc et nul. De cette formule même, je puis affirmer l’exactitude ; je répète : caduc et nul.

Le gouvernement d’Italie, celui qui, hier soir, a remis sa démission entre les mains du Roi, avait, en conséquence, pris des accords précis avec un autre groupe de nations, engagemens graves, définitifs, renforcés d’un échange de plans stratégiques, d’un projet d’action militaire combinée.

Telle est la vérité, la vérité indéniable. De ces faits, j’ai eu communication certaine avant de quitter la France où des officiers de notre état-major et de notre marine étaient déjà arrivés et s’étaient mis au travail.

Donc, d’une part, il y avait un traité aboli ; de l’autre, un accord réalisé. D’une part, l’honneur du pays revendiqué ; de l’autre, l’honneur du pays engagé.

La fusion magnanime telle qu’elle a été augurée à Quarto allait s’accomplir. Les discussions se calmaient. La nécessité idéale avait raison de toutes les misères politiques. L’armée était vaillante et confiante. Des exemples de vertus civiques commençaient à resplendir sur le tumulte apaisé. Le bon ferment faisait déjà lever la masse inerte.

Et voici que l’effort douloureux de mois et de mois est interrompu par une agression imprévue et vile. Cette agression est inspirée, excitée, aidée par l’étranger. Elle a pour auteurs un homme d’État italien, des membres du Parlement italien en commerce avec l’étranger, au service de l’étranger, pour avilir, pour asservir, pour déshonorer l’Italie au bénéfice de l’étranger.

Cela est patent, cela est indéniable. Ecoutez. Le chef des malfaiteurs, dont l’âme n’est qu’un froid mensonge articulé de souples astuces, de même que le triste sac du poulpe est muni d’adroits tentacules, le conducteur de la basse entreprise connaissait l’abolition de l’ancien traité. Et il connaissait la constitution du nouveau, l’un et l’autre conclus avec le consentement du Roi.

Donc, il trahit le Roi, il trahit la patrie.

Contre le Roi, contre la patrie, il sert l’étranger. Il est coupable de trahison. Et ce n’est pas là une manière injurieuse de m’exprimer, ce n’est pas un abus de style polémique, mais la réalité, mais la vérité, selon la forme la plus notoire de ce crime.

Voilà ce que nous devons démontrer au pays, ce que nous devons imprimer dans la conscience de la nation.

Écoutez. Ecoutez. La patrie est en danger. La patrie est sur le point d’aller à sa perte. Pour la sauver d’une ruine et d’une ignominie irréparables, chacun de nous a le devoir de se donner lui-même tout entier et de s’armer de toutes les armes.

Un ministère formé par le signor Bülow ne semble pas avoir l’approbation du roi d’Italie. Mais, gras ou maigres, les serviteurs du signor Bülow ne se résigneront pas.

Tant qu’ils ne seront pas emmurés dans leurs basses officines, ils