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une occasion unique de guérir un mal qui nous envahissait comme une progressive paralysie. Demain, si notre volonté de vaincre est assez tenace jusqu’au bout ; si, après la victoire, les diplomates qui rédigeront le traité de paix comprennent la gravité primordiale du problème posé ici, nous aurons conquis le moyen de développer nos industries, d’ouvrir un large champ à nos initiatives et, disons-le, la possibilité aussi de provoquer par-là cet essor de notre population qui nous sera indispensable, non pas seulement pour prospérer, mais pour vivre.


Quelques mots d’histoire d’abord pour bien montrer, et l’ampleur du sujet et la généralité des conclusions que nous voulons appliquer au cas de l’Allemagne et de la France. Nul besoin de rechercher dans le passé quel emploi restreint l’antiquité ou le Moyen Age ont pu faire de la houille comme combustible. Ce ne sont pas ces débuts médiocres qui nous intéressent. En brûlant du charbon au lieu de bois, les foyers domestiques ou industriels ne changeaient pas de caractère. Le pouvoir réel de ce minéral n’a commencé que le jour où l’on imagina d’utiliser la vapeur d’eau comme force motrice, substituant pour la première fois cette énergie souple, remuante et toujours renouvelable aux immobiles forces hydrauliques, aux agens animés trop vite las. Quand on eut inventé ce levier nouveau, la force élastique de l’eau amenée à l’état de vapeur, on fut conduit, pendant un siècle, à l’employer de plus en plus exclusivement, et la petite expérience physique de Denis Papin devint, pour quelque temps, le principal, presque l’unique moyen d’obtenir de la force en dépensant de la chaleur par une transmutation dont on fut longtemps à soupçonner la généralité et, par conséquent, la loi. Le retour partiel à la houille blanche est bien jeune, l’électricité n’est guère qu’un intermédiaire, l’activité des réactions chimiques garde des emplois très restreints. Depuis cent ans, nous empruntons à peu près toute notre puissance mécanique à des rayons de soleil fossilisés qui nous redisent la chaleur des étés carbonifères, comme résonnaient aux oreilles de Panurge, en se dégelant, les paroles des Arimaspiens et des Néphélibates.

La découverte de Papin date de 1687 et la première machine à vapeur de 1705 ; mais le premier bateau à vapeur de Fulton