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justement et honorablement avec ses anciens alliés. Ce texte, dont la portée avait été si bien calculée, dont l’effet devait être si sûr, fait penser aux plus fameux exemples de ce genre que renferme l’histoire des traités. Il vaut le célèbre moyennant de la paix des Pyrénées, qui avait permis à Louis XIV d’en finir avec le dessein d’Espagne. Il vaut le : alors et dans ce cas dont l’empereur Léopold, au début des guerres de la dévolution, disait qu’il était sa loi et ses prophètes. Ainsi l’article VII aura été la loi et les prophètes de M. Sonnino.


Cependant, M. Sonnino avait agi suivant les indications que la politique intérieure et l’opinion publique avaient données à M. Salandra et à lui-même. La haute régularité et la modération de sa procédure apparaissent par les étapes qui ont conduit à l’intervention italienne.

Le 3 décembre 1914, le ministère reconstitué se présentait devant les Chambres, et M. Salandra prononçait un grand discours-programme qui laissait pressentir que l’Italie était sur le point de suivre une ligne nouvelle. Aux applaudissemens de l’assemblée, M. Salandra affirmait que le premier devoir du gouvernement devait être « le souci vigilant des futures destinées de l’Italie dans le monde. » Et, développant sa pensée, il montrait qu’à aucun moment dans l’histoire l’avenir de tous les peuples n’avait été plus gravement engagé, les problèmes du lendemain posés plus impérieusement. « La neutralité proclamée librement et loyalement observée, s’écriait le président du Conseil, ne suffit pas à nous garantir des conséquences du bouleversement immense qui prend chaque jour plus d’ampleur et dont il n’est donné à personne de prévoir la fin. Sur les terres et sur les mers de l’ancien continent, dont la configuration politique est en train de se transformer, l’Italie a des droits vitaux à sauvegarder, des aspirations justes à affirmer et à soutenir ; elle a sa situation de grande Puissance à maintenir intacte ; bien plus, elle doit faire en sorte que cette situation ne soit pas diminuée par rapport aux agrandissemens possibles des autres États. Il suit de là que notre neutralité ne devra pas rester inerte et molle, mais active et vigilante, non pas impuissante, mais fortement armée et prête à toute éventualité. »