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France est favorable à une continuation de la guerre jusqu’à ce que l’Allemagne soit complètement vaincue.

On remarquera l’ambiguïté de cette demande officiellement adressée par les représentans autorisés du parti socialiste au gouvernement impérial d’engager des négociations pour la paix. Elle est destinée à satisfaire à la fois les internationalistes, puisqu’elle exprime le même vœu que Haase, Kautsky et Bernstein, — et les nationalistes, puisqu’elle proclame que les socialistes français et anglais mettent à néant ces intentions pacifiques et visent à la destruction de l’Allemagne. Le manifeste officiel ne peut qu’abuser les socialistes à l’étranger sur la lassitude de l’Allemagne.

Les socialistes français dont l’entente s’est maintenue, malgré certaines fédérations départementales, infectées de pacifisme et d’internationalisme, ont répondu en votant une résolution discutée et finalement adoptée à l’unanimité par leur conseil national, le 15 juillet. Ils rappellent que, même de l’aveu des Allemands, l’agression est venue de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. Ils saluent l’éveil de la conscience socialiste telle que la révèlent le Manifeste des trois et la Lettre ouverte, écartent toute politique de conquête, mais exigent la reconnaissance du droit des nations, libres de disposer d’elles-mêmes, de retourner vers la mère patrie dont elles ont été brutalement séparées, et proclament la nécessité d’aboutir à la défaite du militarisme prussien.

La lettre des « trois » et le compromis imaginé par le comité directeur de Berlin a soulevé les contradictions et les critiques des membres de la Droite socialdémocrate, et de leurs journaux les plus influens, le Hamburger Echo', la Chemnitzer Volksstimme, le Volksblatt für Anhalt, etc. Ils répondent à Bernstein que si la guerre d’anti-russe est devenue anti-anglaise, c’est toujours la même guerre. « L’ennemi se trouve politiquement là où il se trouve économiquement. » En s’alliant au tsarisme, la France et l’Angleterre ont perdu le droit de se nommer des démocraties. — Les uns, toutefois, écartent plus ou moins sincèrement les annexions ; les autres, tel Peus, se déclarent franchement annexionnistes : dans l’évolution actuelle, les petites nations sont une anomalie appelée à disparaître.

Cet esprit de la Droite, dont la formule se résume en ceci qu’il faut se montrer Allemand avant d’être socialiste, s’exprime