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fidèles aux principes, plus idéalistes, plus courageux que les autres ? Leur attitude dogmatique et isolée tenait seulement à la faiblesse, au petit nombre de leurs adhérens. Dans les pays, tels que l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Belgique, où les socialistes forment de grands partis parlementaires, possèdent un fort contingent de députés, attirent par conséquent de larges couches d’électeurs, l’oligarchie dirigeante- s’imprègne nécessairement de la mentalité des foules. L’impossibilité de persévérer dans l’intransigeance de secte est la conséquence fatale du parlementarisme : les succès électoraux entraînent l’adaptation forcée. En 1870, Bebel et Liebknecht représentaient 124 000 électeurs. En 1914, les socialistes allemands en comptent quatre millions et quart. C’est là, non pas une excuse à leur défection, mais une des raisons qui l’expliquent.


IV

Les socialistes belges, français, anglais, allemands, ne se sont pas contentés de mêler leurs votes à ceux des partis bourgeois, lorsqu’il s’est agi de pourvoir aux frais de la guerre : nous les voyons abandonner la lutte de classe pour la collaboration de classe, enfreindre en Belgique, en France, en Angleterre, le dogme international qui répudie la participation ministérielle, et en Allemagne prêter au Kaiser le concours le plus dévoué.

Dès le commencement d’août, le président du bureau socialiste international, Vandervelde, répondait à l’appel du roi des Belges : il entrait, comme ministre d’Etat, dans le Cabinet catholique de M. de Broqueville, en même temps que M. Paul Hymans, chef du parti libéral. Vandervelde avait toujours fait preuve du plus pur patriotisme, il s’était déclaré partisan de la politique coloniale et du service militaire obligatoire. D’un zèle inlassable, d’une éloquence entraînante, il dénonçait aux États-Unis, à l’Angleterre, la barbarie allemande, il parcourait les tranchées en prédicateur de campagne, cherchait à rallier, en Angleterre et en Russie, les socialistes dissidens, et tentait, en même temps, de rapprocher les membres disjoints de l’Internationale ouvrière, chimérique entreprise dont il dut bientôt constater l’échec.

En France, au début des hostilités, des ouvertures avaient été faites aux unifiés ; on leur offrait de participer à un