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De même que les Allemands, ils étaient divisés au début. L’opinion dominante faisait retomber sur l’Allemagne la principale responsabilité : il dépendait d’elle d’arrêter l’Autriche. Mais l’aversion pour la guerre était si marquée que quelques-uns inclinaient au refus des crédits ; d’autres penchaient vers l’abstention. Une minorité considérait l’acceptation comme obligatoire. La guerre une fois engagée, et dès que furent connues les intentions de l’Allemagne d’attaquer par le Luxembourg et la Belgique, le parti socialiste, devant le scrutin, se retrouvait unanime et à l’unisson de toute la Chambre.

On a reproché aux socialistes français leur alliance avec le tsarisme comme une inconséquence non moins répréhensible que celle des socialdémocrates et du militarisme prussien. On oublie l’essentiel : la France était attaquée.

A une réunion du parti, les députés expliquèrent leur vote. M. Vaillant relevait le drapeau de Blanqui, avec sa devise, la Patrie en danger, parlait du devoir de défendre la civilisation et la République. M. Jean Longuet, le petit-fils de Karl Marx, rappelait l’exemple des volontaires de 93 qui apportaient la paix aux peuples et ne faisaient la guerre qu’aux rois. Il ne s’agissait pas, disait M. Sembat, de satisfaire des désirs de vengeance chauvine, de défaire l’unité de l’Allemagne, de détruire la culture allemande. Si, après la victoire, on voulait dépecer l’Allemagne, si les Cosaques se proposaient de détruire ses célèbres universités, la France ne le permettrait pas. A l’Alsace-Lorraine serait laissé le choix de revenir à la France ou de former un État libre. M. Sembat et d’autres, après lui, ont répété que les Français combattaient non le peuple allemand, mais sa caste militaire, son gouvernement semi-féodal ; comme si les militaristes, les intellectuels, le peuple, la grande majorité des socialistes ne faisaient pas cause commune.

Uni au gouvernement pour repousser la proposition allemande de traverser la Belgique, le Comité central du parti belge lançait un manifeste signé de Vandervelde, Brouckère, Wauters, et conçu en ces termes : « Peut-être la Belgique sera-t-elle appelée à défendre la neutralité de son territoire contre la barbarie militariste, en même temps que la cause de la démocratie et des libertés politiques de l’Europe. Les camarades sauront comment se comporter en présence du danger. Ils doivent se souvenir qu’ils appartiennent à l’Internationale